MARTHE ET MARIE


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Les poèmes de Michel Guimbal

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Les poèmes de Michel Guimbal Empty Les poèmes de Michel Guimbal

Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:06

Mon oncle Michel (1918-2005), écrivain et poète, a publié quelques livres.
Les poèmes de Michel Guimbal Y8yx6c6aw6
Voici quelques poèmes et textes sur la Bretagne, où il allait souvent (il aimait beaucoup, notamment, l'abbaye de Kergonan, près de Carnac, ou plutôt les deux abbayes de Kergonan : les Bénédictines de st Michel et les Bénédictins de Ste Anne) :

A KERGONAN


C’est le soir. Frère Yvon, tout rose et rondelet,
Ses prunelles d’enfant à jamais éblouies
De ciel, en attendant la cloche de complies,
Se promène au jardin et dit son chapelet.

Longs soirs de juin, si beaux ! Un essaim de novices
Passe, et leurs gestes gais font danser le froc noir.
Corps bourré de douleurs, mon frère Yvon, ce soir,
Les regarde, perclus d’amour et de délices.

Ce nuage, là-haut, Seigneur Dieu, on dirait…
Un caressant parfum rôde…Yvon est distrait,
L’Ave meurt sur Ave. Furtif, Yvon se signe…

Le ciel où point l’étoile est un grand Gloria.
La cloche ! Christ, merci ! Capuce bas, très digne,
On entre. – O paix de l’ombre, encens…Ave, Maria !

Plouharnel, 1973



SOLEIL SECRET
pour les Bénédictines de Saint-Michel de Kergonan


Il pleut doucement sur la mer
Qui n’en sera pas moins salée,
Sur la tour de sable écroulée,
Il pleut, il pleut depuis hier,

Il pleut sur l’ardoise et le chaume,
Sur l’hortensia tout réjoui,
Sur la vache qui ne dit oui
Ni non – il pleut, et c’est un baume

Sur maint front, sur maint nez pelé,
Et sur le corps écartelé
Du Christ en haut de son calvaire…

Mais je connais au monde un lieu
Où pluie et vent n’ont plus que faire
Parmi le grand soleil de Dieu. Plouharnel, juillet 1973



CONSOLATION MODESTE


Ma sœur Barbe, vieille tourière
De Saint-Michel-de-Kergonan,
Ame de miel de Canaan,
Corps de granit, cœur de prière,

Tes confitures de cassis,
Mieux que nectar que nous connûmes,
De sainteté tu les parfumes :
S’en régaler est donc permis,

Tu l’as dit ! Mon païen de ventre
T’a bien comprise et ce vaurien,
Qui s’entend mal au grégorien,
De tes vertus se fait le chantre.

Petite sœur qui sais tout, dis,
Toi qui sais combien ma pauvre âme
Aima vos chants, ô sainte femme,
Quand nous serons en paradis,

Toi à l’entrée, Ange portière,
Moi, pleurant, sur le seuil assis,
M’offriras-tu ce bon cassis
Que tu faisais si bien, sur terre ?
Plouharnel, 7 juillet 1969



QUAND NOUS SERONS…

Quand nous serons bien loin d’ici,
O mon âme si mal aimée,
Lorsque dans l’ombre et la fumée
Nous serrera le noir souci,

Nous reverrons nos randonnées
Entre Sainte-Anne et Saint-Michel,
Les couchants et le vaste ciel
Si clair à travers les années…

Mais le parfum des noirs cyprès,
La paix des soirs, les chemins frais,
L’odeur des foins sur la campagne,

La mer là-bas, ses feux subtils,
Toutes les voix de la Bretagne, -
Ame, pauvre âme, où seront-ils ?


ARMOR

Tu m’as jeté, destin, dans un pays de châteaux, de jardins, de vallées, - mais, ce soir, c’est à toi que je pense, vieille et pauvre Armorique, mère de ma seconde et trop rêveuse enfance.

Que ne suis-je né à l’ombre de l’une de ces chapelles d’un gris très doux de grès et de lichens, qu’un arbre simple abrite et dont la porte ouvre dans l’herbe,

Dédiées à quelque rebouteux de saint au nom plaintif et charmant, comme Guénolé ou Colomban.

Que n’ai-je vu le ciel pour la première fois se refléter dans l’eau très fraîche et pure d’une fontaine sacrée !

Un nuage bouge, un bourdon vole, on entend le ronflement assoupi d’une batteuse

Se mêler au lointain soupir de l’Océan.

Et là-haut, dans l’azur apparu entre les nuées, une mouette tournoie et jette sa clameur barbare

Comme l’appel d’un esprit du mal.

Mais tout d’un coup ce souffle, ô douceur, ô pardon…

Ah ! dites-moi pourquoi mon âme de ce soir n’est point pareille

A l’un de ces vieux missels couleur d’ivoire jauni où traîne un relent d’encens,

Qui s’ouvre en chantonnant sous le doigt d’une vieille,

Et voilà que sous le berceau bleu de la nef obscure

Monte la grande paix de Dieu…

Je pense à toi, ce soir, mère de mon enfance.
Janvier 1977




CHANT DE GRACE POUR CELEBRER LE RIVAGE MARIN


Je te louerai, Seigneur, pour le rivage admirable de l’Océan.
Là, couronné d’écumes et de vent, il célèbre avec la Terre ses noces perpétuelles.
Entre les promontoires jetés vers lui comme des bras ouverts, il s’avance, elle ne résiste plus,
Mais doucement s’incline à sa rencontre.
Lui, comme un prince d’Orient un peu pirate,
Il renverse à ses pieds ses coffres de merveilles, étoiles, coquillages ; étale ses festons d’algues et ses guirlandes de goémons,
Et, menant sous le soleil et sous la lune ses danses et ses chants,
Tant la caresse et tant la baise et tant parfaitement l’épouse
Qu’elle en devient toute douce et dorée.

Je te louerai, Seigneur, pour le Sable, fruit de leurs amours,
Le sable tiède en surface, frais dans la profondeur, le sable compact et subtil, docile et fugace,
Immense et vierge album où l’enfance du monde éternellement dessinera ses rêves,
Croulantes tours, jardins de nacre et d’algue, bestiaires secrets, chiffres du cœur, paradis retrouvés,
Noms chéris qu’a tracés la pelle vagabonde…
Et quand la pluie, les pas, le vent ou la colère
Auront brouillé comme à l’envi le poème du jour,
La mer, pendant la nuit, viendra tout effacer
Pour que le jour qui naîtra recommence, -
Image du pardon et de ton grand amour…
Mais la plage est aussi le théâtre très pur
Où l’homme, ayant quitté son personnage avec son vêtement,
Se dresse, sur fond de ciel ou de mer, dans toute sa simplicité et sa gloire d’enfant de Dieu.
Il a retrouvé son âme enfantine et le voilà qui joue à lancer vers le ciel
Balle, anneau, cerf-volant, choses légères comme son âme,
Il rit dans la lumière et dans l’immensité de l’espace, son royaume,
Et les anges qui regardent se réjouissent dans leur cœur.
Je te louerai, Seigneur, pour mon frère retrouvé.
Il est sans orgueil, il n’a plus honte de son corps,
Car voici que toute la nature l’aime, et tous les éléments pour leur seigneur le reconnaissent.
Le sable est doux à ses pieds nus et creuse un lit à sa mesure.
Image de ton inépuisable générosité, le soleil
Doucement le retourne entre ses paumes radieuses
Afin qu’il soit doré comme le soir des jours heureux. –
Que son baiser se fasse trop ardent, la brise afflue, chargée d’humidité marine,
Qui l’enveloppe en sa fraîche caresse, regonfle sa poitrine,
Enfle sa voile et fait son cœur aventureux.
Mais comment ne chanterais-je pas sur le mode majeur
La plus glorieuse, Seigneur, de toutes tes merveilles,
Cet Océan qui sous sa brillante chape cache tant d’étonnantes créatures,
Seule image supportable que tu nous aies donnée de ta puissance créatrice et de ton immensité.
Un souffle est venu du large, à son appel
L’Homme s’est éveillé de sa couche de sable, il se dresse, il bondit !
Venez, venez, il y a place pour tous dans le grand bain de Dieu !
Aux âmes timides et aux petits les rieuses vaguelettes se culbutant sur les mollets,
Et le lait pétillant de l’écume sur le sable,
Aux hardis et aux forts, là-bas, ces vagues embrassées d’un geste large !

Mais moi, ayant saoulé mon cœur du spectacle de tant de vie et de bonheur
Ayant laissé tourner avec les heures la grand roue des rayons et des ombres, des vents et des nuages,
Rien ne me plaît mieux, ce soir, que de tenir unies dans mon regard reconnaissant
Toutes les splendeurs que j’ai dites,
D’en faire hommage, non à vingt divinités bornées : Vénus, Neptune, Eole ou Apollon,
Mais, par cette gerbe unique, à Toi seul, Seigneur.
Alors, d’un cœur content, je voyage en esprit,
Au-delà de ces caps et des îles lointaines,
Jusqu’à cette ligne égale et pure de l’horizon derrière lequel la merveille se renouvelle,
Cette justice ardente, cette balance de l’Eternel…

Je te louerai, Seigneur, pour toute la terre.
Août 1979


Chapelles bretonnes


Si les cathédrales gothiques jettent vers le ciel le cri d’une foi éperdue ; plus proches de la terre, si les églises romanes dessinent pour notre bonheur la courbe harmonieuse d’une sagesse à notre mesure, - les chapelles bretonnes, qui font corps avec notre mère la terre, avec le roc, sont l’humilité même.

Beaucoup ouvrent directement dans l’herbe d’un pré ou sur un coin de lande dont une marche les sépare. Pour voisines, elles ont une ferme couverte en chaume, ou, comme à Tronoën, une vieille barque retournée, asile de volailles que votre approche met en fuite. Un seul chêne de bonne antiquité suffit à les recouvrir de sa fraîcheur, les cachant du même coup au passant que meut quelque fugace curiosité. Ainsi préservent-elles encore, au siècle de l’agitation et du vacarme, un semblant de paix pour méditer un profond passé.
Si pauvres sont-elles, en dépit de ce beau granit rose ou argenté que rehausse un lichen couleur de fleur d’ajonc, que plus d’une a pour sol la terre battue, comme les plus anciennes chaumières. Si modeste la taille de celle à qui je songe – n’était-ce pas du côté de Fouesnant ? – que par cet échelonnement de pierres plates courant dans la saignée du transept, un chat gagnerait en trois bonds le sommet du toit, jusqu’à cette cloche suspendue en plein vent, - depuis combien de temps endormie ? Sous le poids des siècles, l’échine de cette autre a fini de fléchir. Si basse déjà, ramassée sur elle-même pour mieux affronter le rude vent de la mer toute proche, on dirait qu’elle se tasse encore, la bonne vieille, afin de rejoindre la paix des morts…
Hélas, presque toutes sont fermées maintenant, à cause – qui l’eût pensé naguère encore ? – des voleurs. Peut-être, avec un peu de chance, une bonne âme qui passait par là vous apprendra-t-elle que la clé se trouve entre les mains de la nièce du curé, mercière à ses heures ; mais à cette heure-ci, il ne serait pas surprenant qu’elle soit justement « après soigner » ses lapins. Heureusement le Saint-Esprit veillait, ou du moins le bon génie d’un jour de bonheur éclairé par la piété… Justement voici la vieille qui s’avance, un peu confuse, - un peu méfiante aussi d’abord ; mais le nom de l’aïeule audiernoise a fait merveille et nous voilà seuls enfin avec le vieil édifice. Il n’a point trop mal vieilli. On a reverni la porte, remplacé les lattes crevées au berceau bleu de la voûte, et même – non, nous ne rêvons pas – installé micro et hauts-parleurs. Mais on n’a pas changé, Dieu merci, ces fermes et frais piliers de grès un peu humide, ni le bateau de pêche en réduction suspendu là-haut par des fils de fer, ni surtout ce riche relent de vétusté, amalgame stagnant d’encens, de cierge brûlé, de moisissure et de piété plusieurs fois séculaire.
Si la porte demeure obstinément close, vous pourrez du moins vous consoler avec le calvaire de l’enceinte, dont les figures, à peine identifiables sans le secours du Guide vert ou du Saint-Esprit, semblent lentement retourner au rocher d’où elles furent tirées. Avec un peu de chance, vous pourrez même trouver, derrière l’abside, une de ces fontaines sacrées dont la Bretagne s’est fait un monopole et dont elle garde le secret. Sous sa niche de verre, le saint local, un peu rebouteux de son état comme tous ses confrères, conserve à travers les temps ses joues enfantinement fleuries ; mais les demoiselles en mal de mari, celles qui avaient quelque secrète grâce à solliciter, ne font plus en priant, en chantant, comme on me l’a conté, sept fois le tour de la fontaine et de son lavoir ; elles préfèrent le courrier du cœur. Au lieu des gracieux visages naguère encore penchés sur son miroir, l’eau troublée de la fontaine sainte ne reflète plus que la fuite des jours et celle des blancs nuages…

*

Petites chapelles de Bretagne, surgies quand on y pensait le moins comme les grâces du ciel, divinités protectrices, fidèles amies ; je ne refermerai pas ces pages écrites en votre honneur, que je n’aie évoqué, de vous toutes, la plus émouvante. C’était à la pointe du Van, qui ferme au nord la baie des Trépassés. Le soleil d’une matinée de juillet faisait chatoyer la bruyère en fleur, les mouettes se laissaient joyeusement emporter par le vent, les ailes étendues, ou luttaient contre lui, la plume vibrante, tandis que tout en bas, les vagues jouaient au pied des rochers, blanchissant à peine. C’était un jour de bonheur, une de ces heures où l’on se sent tout à coup mystérieusement réconcilié avec le monde, avec la vie et les vivants. Mais ma tendresse allait tout particulièrement, au bord de la falaise, à cette très modeste chapelle en granit (close elle aussi !) ceinte d’un muret, qui élevait à contre-jour sa croix de pierre toute simple au-dessus de l’abîme lumineux de la mer.

27 juillet 1993


Dernière édition par Fée Violine le Mer 8 Avr 2009 - 21:21, édité 2 fois
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:09

LE TRESOR CACHE

Dans la boue du chemin creux pourrissent les feuilles mortes, sur qui tinte, à petit bruit, la pluie d’automne.

Seul, seul, et sous ma semelle la douce boue et l’or, par terre, et la morte splendeur des jours qui furent…

Seul avec, dans le val, le bruit délicat de la pluie et cette naissante froidure – et, tout au cœur de mon cœur, la chaleur de ton seul nom, JESUS.
Octobre 1974
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:09

L’ABANDONNE


LONGTEMPS, le plus beau jour de l’année, le plus impatiemment attendu, fut pour nous celui de l’envol familial vers les plages de l’été. La gloire solaire de ce jour-là balançait, éclipsait même, osons le dire, les plus secrètes lumières de Noël. N’étaient-ils pas, l’un et l’autre, placés sous le signe de l’Enfance et de la merveille ? Merveilleuses, par exemple, étaient la promptitude et la bonne grâce avec lesquelles notre voiture, vieille servante accoutumée aux fantaisies comme aux excès de ses maîtres, déjà écrasée sous le poids du superflu, improvisait in extremis tel recoin où coincer ces raquettes de volant qui ne serviraient pas plus que l’année précédente, - telle logette inédite où glisser ce volume de zoologie marine qui dormirait à l’évidence au fond de l’étagère…Certes, c’était un grand moment que celui où, la chère maison bien close abandonnée sans regret comme par le papillon sa chrysalide, et cette pauvre année scolaire reléguée sans pitié dans le passé comme au fond d’une malle un vêtement hors d’usage, - nous mettions enfin le cap sur l’ouest béni d’écumes et de vents, - notre Bretagne de toujours. L’énormité d’une joie que chaque année nous rendait intacte, la chaude complicité qu’imposaient l’étroitesse de l’habitacle aussi bien que la fragilité d’un destin commun, avaient donné naissance, au fil des ans, à un nombre respectable de rites – dirai-je : de cérémonials ? – qui eussent paru bien étranges, et même puérils, aux non-initiés ; qui n’en étaient pas moins notre talisman, mainte fois prouvé efficace, contre les hasards de la route et les malices du sort.

Si j’ai entrepris de dévoiler ici, au risque du sacrilège, l’un de ces rites, c’est qu’il a résisté significativement à l’usure des années, au départ de la bonne aïeule, à l’envol des enfants vers leur destin personnel, à bien des choses ; c’est aussi que je m’assure de la protection la plus haute. Ce rite consistait en effet, afin de charmer la platitude de la route et d’exorciser le démon de l’ennui, à remplacer tout bonnement les kilomètres, si bornés, si mesquins, si mécaniques, par le surprenant et poétique caprice des croix de carrefour. Tristement clairsemées au début, elles allaient se multipliant de façon encourageante à mesure que l’on approchait de la vieille Celtie christianisée, pour s’épanouir enfin, à la rencontre des grands souffles atlantiques, dans la gloire des Calvaires. C’est ainsi que vers la treizième croix, nous savions que les schistes brun violâtre allaient faire place au beau grès bleuté, au granit couleur de vieil étain du massif armoricain ; et que les premiers ajoncs en fleur n’allaient pas tarder à nous jeter au passage leur petit coup de clairon enfantin et réjouissant. Peu après la vingtième nous respirions – en esprit, mais le plaisir n’était pas moindre – l’air de la mer, et n’était-ce pas elle que tentaient d’apercevoir au loin, dressés sur la pointe du pied à en perdre l’équilibre, les pins des talus ? La trentième croix dominait de justesse les pierres levées de Carnac, ces incurables païennes… Trente croix, ou peut-être trente-deux – l’impatience avait pu nous donner des distractions - : maigre compte pour des centaines de routes et de chemins croisés ! N’importe : nous touchions au but. Déjà – encore une de nos traditions ! – c’était à qui ouvrirait l’œil le plus alerte pour tâcher de distinguer, entre d’éblouissants pignons sommés de leur cheminée morbihanaise, une ligne bleuâtre, tremblée, incertaine – et pour être le premier à jeter le cri immémorial rapporté par Xénophon : « Thalassa ! » - la mer ! Oui la mer fidèle à travers les changeantes années ; la mer, et aussi la Terre Promise, le sable éternellement vierge malgré les souillures comme les âmes pardonnées, - le sable où parents et enfants auraient, devant l’immensité, le même âge enfantin…
C’est ainsi que nous nous laissions porter de croix en croix vers le rivage des anciens dieux, suspendant notre impatient bonheur à la passion du Crucifié, - notre destin vagabond à ce qui demeure…

Les croix de France ! De Saint-Cyr à Saint-Colomban, du martyr enfant au vieil évêque irlandais évangélisateur des Gaules, le long de ces petites routes où notre siècle les oublie ou les tolère, les ai-je assez regardées, recensées, aimées, ces dernières survivantes d’un autre âge ! Leur diversité n’est pas moins captivante que celle des âmes, des lieux et des jours. Ici minuscules, mignardes, ajourées, vraies dentelles de dévotion veuves de leur Crucifié, - là austères, massives, majestueuses, sombres comme fut le ciel après le dernier soupir de l’Agneau, presque effrayantes ; tantôt juchées sur un socle pompeux et tantôt fichées en terre, la proie des broussailles ; schématiques ou luxuriantes, parfois argentées de frais mais plus souvent écaillées de rouille, laquelle ajoute sa lèpre aux blessures faites par la lance et les clous… On en voit qui, de bois nu, mangées par les vers et la pourriture, n’en finissent pas de tomber à la renverse, et c’est un arbre qui les reçoit dans ses bras. Ou bien c’est la pièce transverse – depuis longtemps déclouée, elle pendait de guingois – qui s’est éclipsée un beau matin : était-ce pour aller, sur un établi peu catholique, commencer une carrière tout imprévue ? Point. Un beau jour, le triste poteau est redevenu Croix, vive Dieu ! Mais il arrive aussi que ce soit la croix tout entière qui disparaisse. Il y avait ce chemin à élargir, cette propriété nouvelle à clore, l’agacement que suscite un monument anachronique de la superstition paysanne, je ne sais quel énorme gri-gri… Ainsi va le Temps, qui mange ses enfants…

Elles ont pourtant, dans leur diversité, un trait commun, ces croix : la solitude qui les entoure. Reconnaissons-le : la circulation moderne n’invite guère les âmes naturellement peu contemplatives de ce temps, que talonne l’horaire, qu’appelle un monde à construire, à la considération des croix de carrefour : celle des panneaux de signalisation s’impose davantage. Casqué comme un cosmonaute, prisonnier de la vitesse et du péril, grisé par le vacarme et le vent et quasi aveugle, le chevaucheur de pétarades ne sait rien que la joie de faire corps, nouveau Centaure, avec la puissante machine qui trépide entre ses jambes. L’automobiliste, lui, a bien assez à faire avec les embûches et sournoiseries sans nombre de la route. Ce sont des poules qui n’attendaient que votre passage pour satisfaire l’irrépressible besoin de savoir à quoi ressemble l’autre côté de la route ; un escadron d’oies marchant en corps, le cou brandi en avant, cacardantes, en vraies disciples des gardiennes du Capitole ; un tohu-bohu de croupes de vaches que rien n’émeut, trique ni klaxonnades. Ce sont les travaux en cours, les camions-citernes de matières inflammables – prière de ne pas me serrer de trop près – les interminables semi-remorques qui bouchent route et paysage en vous crachant au nez leurs fumées pestilentes. Ce sont les innombrables confrères qui volent tous – qui l’eût cru ? – au chevet d’une mère mourante, les confrères si faciles à mécontenter – n’ont-ils pas failli, par votre faute, « perdre » une seconde ? – et qui vous l’envoient si peu dire… Et comment mépriser tout à fait sainte Vitesse, et sa fille sainte Moyenne, qui, si philosophe que vous pensiez être et l’oreille si bien fermée à leur claironnant appel, finiront par vous enrôler dans la horde de leurs dévots…? Ce sont enfin les mille et une interdictions tracassières que l’on serait enclin à survoler avec la liberté des anges, n’était la double apparition, toujours possible et jamais opportune, des Anges noirs de la Bonne Conduite. Et l’on aurait un œil, après tout cela, pour des vieilleries que nul guide ne mentionne ? – Paisiblement juché sur sa selle de fer, le cultivateur ou l’ouvrier agricole, de par la nature peu emportée de son véhicule et sa masse rassurante, ne demanderait pas mieux, lui, que de lever le nez de la route – n’étaient les traites de fin de mois et ces diables de montants compensatoires. – Le cycliste ? Il aura beau jouer les équilibristes sur le fil poussiéreux qui sépare le macadam du fossé, il n’en recevra pas moins à tout moment sa pleine ration d’oxyde de carbone parfumé aux éthyles de plomb : toutes choses qui n’avaient pas été prévues dans le plan de la Création et qui ne favorisent pas plus les élans mystiques qu’elles n’épanouissent la fleur des poumons. – Quant à la seule race qui avait gardé une âme relativement disponible : celle des piétons, victime désignée de tout le reste puisqu’elle ne menace personne et n’engendre vacarme ni pestilence, on sait qu’elle est en voie rapide d’extinction. Et ne parlons pas des autoroutes, ces glorieuses qui écartent toute chose autour d’elles et qui, refusant tout croisement, n’ont évidemment que faire de croix.

Ainsi le Christ est-il bien abandonné, paisible au-dessus de cet ouragan perpétuel de passants à roues et à moteurs – ses propres créatures – qui le fustigent de vent, de fracas, de fumées et d’indifférence. La pluie et la neige vêtent seules sa nudité ; seule, la brise printanière l’enveloppe parfois d’une furtive caresse. Heureux si l’un de ces oiseaux qu’il a si bien loués du temps qu’il cheminait sur notre terre, se repose un moment sur sa tête ou son bras, avant de reprendre son voyage…
Suis-je injuste ? Au pied d’une croix monumentale, dans une petite ville de Bretagne, j’ai vu un amoncellement de fleurs comme on n’en trouve que sur les tombes fraîchement refermées (une autre fois, sur les marches d’un soubassement, un alignement de poubelles). A l’heure où j’écris ces lignes, peut-être une petite vieille à coiffe et à sabots comme il en existe encore quelques exemplaires au bout du monde se signe-t-elle en déposant, sous ces pieds qu’unit le clou atroce, un de ces bouquets de bruyère qui conviennent aux tombes les plus pauvres. Emu nous-même d’un excès de bien-être dont la cause était bien charnelle, ne nous est-il pas arrivé assez souvent de jeter en fuyant une pensée, une prière, à ce Pauvre là-bas qui ne demandait rien, avec sa tête retombée, ce ventre creusé sous l’ogive des côtes, ces tristes longs tibias et tout ce poids de douleur suspendu à la déchirure des mains ? Il paraît dormir ; mais non, il veille – il veille à sa façon discrète sur la folie de ses enfants. Telle est l’humilité de ce Pauvre-là qui possède le ciel et la terre, que, bouquet de bruyère ou lambeau de prière, il reçoit avec amour, n’en doutons pas, l’aumône dérisoire. A ces fugitifs, à ces aveugles qui ne savent s’ils achèveront le voyage, il ouvre ses longs maigres bras couleur de ciel gris, ses bras entre lesquels tiennent, avec la bonté du ciel, toute la souffrance de la terre.

22-24 mai 1989
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:11

HYMNE A VOIX BASSE
Pour célébrer l’union avec la terre


Assez longtemps nous avons navigué sur tes Mers de Sérénité et tes lacs des tempêtes,
assez longtemps erré entre les archipels des nuages désirables,
O Ciel ! Et nous avons bu assez follement, Soleil,
A tes fontaines de porphyre, à tes hautes cascades !
Maintenant, de même qu’un voyageur, las de voir sur la mer éternellement déserte,
le sillage du navire se défaire et renaître,
n’aspire plus qu’à retrouver la pierre usée du seuil,
la rampe polie par des mains sans nombre,
et le souffle d’une épouse douce, -
je me retourne vers toi, humble amie de toujours, ô terre !
Si j’ai soif encore, ce n’est plus que de la paix sombre.
Un jour, mes os reposeront près des aimés jusqu’à la trompette de l’Ange,
mais aujourd’hui, c’est vivant qu’en toi je veux descendre.
Elle est aimable et fraîche à mes pieds nus ton épaisse toison d’herbes sèches et de fleurs,
nourrie de pluie et de fruits mûrs,
et toute murmurante, comme une grande ruche,
d’un petit peuple obscur !
L’odeur qui s’en élève est une vaste houle verte où je roule et vacille,
ah ! je me penche, je m’abîme !
Je me penche vers toi, mais ce n’est pas, ô Déméter,
pour t’écorcher, te dépouiller, te déchirer, te retourner,
mais plutôt, très doucement uni à mon ombre, pour m’étendre sur toi,
non comme le maître qui prend mesure et possession de son domaine,
non même comme l’époux joint à l’épouse en un unique baiser immobile,
mais plutôt comme la barque flottant confiante sur la vague
ou comme le petit enfant qui, las de vagabonder par les royaumes bleus de la féerie,
retrouve les genoux de sa mère, et la nuit nourricière et le lait de l’amour.
Qu’avions-nous besoin encore de ce grand corps d’homme ?
Ces bras impatients, qu’en ferions-nous ? A quoi bon
ces jambes qui ne nous ont point porté vers la Terre Promise ?
Prends-les donc, ô mère !
Et ces genoux trop durs, ces pieds cassés, ce menton provocant,
prends-les, efface-les !
Qu’ils tombent lentement comme pierres dans l’onde !
Ah ! qu’il s’ouvre donc, comme sur l’étang noir le Lotus rose et très pur s’ouvre au souffle du soir,
qu’il s’ouvre, ce poing dur ! et qu’il fonde en caresses !
qu’ils se ferment, ces yeux qui n’ont plus affaire aux clartés du jour,
et qu’ainsi, cœur contre cœur, je repose en toi, ô mère,
mort et vivant, mort avant la nouvelle vie,
relié au ciel qui m’effleure et passe là-haut comme la pensée de l’éternel,
par le seul fil ténu d’un souffle bienheureux.

Michel Guimbal,
La Poyat, 24 août 1973
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:24

Quelques poèmes sur la mort :


Dies irae, dies pacis

Quand viendra le Jour de colère
Et que je serai devant Toi,
Pour entrer sous ta juste Loi
Et recevoir mon vrai salaire,

Songeant quelle fut ici-bas
Notre pauvre justice humaine
Et que ta main frappe sans haine,
Seigneur, je ne me plaindrai pas.

Ta sentence la plus sévère
Me semblera douce et légère,
Etant la fille de l'Amour.

O douleur sainte et fraternelle
Par qui la nuit porte le jour
Et la mort la vie éternelle!


:fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette:


Lorsque nous serons morts à ce monde menteur,
Lorsque la vérité sortira de l'erreur
Comme le jour du fond des ténèbres se lève;
Quand l'ancienne douleur aura fui comme un rêve
Et que tout ce qui fut la gloire d'un vivant
Ne sera plus qu'un peu de cendres dans le vent;
Quand nous serons jugés selon la loi nouvelle,
Inlassables nageurs de la joie éternelle, -
Comme nous sourirons, ô mes chers retrouvés,
Des soucis, des tourments ici-bas éprouvés!
"C'étaient donc là, nous dirons-nous, ces grandes peines
Et ces petits plaisirs, toutes ces ombres vaines
Qui nous surent, aux jours de la terre, charmer!
Comme nous savions mal ce que c'est que d'aimer!
Ces paroles de paix qu'un Ange a dévoilées,
Comme nous les tenions, au fond de nous, scellées!
Tel à qui notre coeur refusa le pardon,
Enfant du même Dieu, fils du même limon,
Le voilà rétabli dans sa juste lumière.
O vie et joie, amour et paix, Bonté première!


:fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette:


S'il me fallait quitter ce vieux monde charnel
Et l'infini trésor des formes adorables
Pour rejoindre des morts les âmes innombrables
Et faire ma demeure au royaume éternel,

Je pourrais témoigner devant ta face auguste
Que ce monde fut beau que célèbrent mes vers,
Que je ne fus jamais aveugle à l'univers,
Que la vie est immense et la souffrance juste.

Durant ce peu de jours qui me furent donnés,
Quoique pauvres d'honneurs et bien peu fortunés,
J'aurai vu se lever l'aube de ta lumière.

Ton verbe quelquefois dans le vent m'a parlé
Et quand mes pieds saignants marchaient dans la poussière,
Mon front voguait déjà dans l'abîme étoilé...


:fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette: :fleurette:


Quand viendra mon heure dernière,
Emportez-moi loin des cités
Où tant de pas se sont heurtés
Dans le bitume et la poussière.

Prends-moi, ô secourable mort,
Dans la fraîcheur de la fougère
Fleurant l’enfance et la bruyère
Fleurie au rivage d’Armor.

Fais que mon âme s’évapore
Sur le sein de la jeune Aurore
Qui prélude au Jour éternel.

De ma cendre enfin sans souffrance
Que naisse un Arbre fraternel
Plein d’oiseaux, d’hymnes et de ciel

Et tout le reste soit silence !

26 octobre 1990


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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 10:50

Au bout du monde

Sous la falaise les mouettes
Planent, dansent, font mille tours,
Et les rochers, comme aux beaux jours,
Ont mis leurs blanches collerettes.

Dans le lit de l'éternité
Le Bleu sommeille et tremble à peine ;
Une voile, flamme lointaine,
Vacille dans l'immensité.

O monde vierge d'avant l'homme,
Splendeur et paix que Dieu seul nomme,
Prenez-moi, gardez-moi vivant !

Que je sois ce brin de bruyère,
Ces oiseaux blancs dans la lumière
Et cette écume dans le vent !


Pointe de Dinan (Finistère)
Juillet 1969


:holly: :holly: :holly: :holly: :holly: :holly: :holly:


Le pacte secret


Pin, mon bel ami, tu t'inclines,
Es-tu las de brûler en vain
Et de perdre au vent des collines
Ta vie et cet encens divin ?

L'ombre que tu fais sur la terre,
Tremble, fragile et fin réseau,
Et tes ramilles de lumière
Ne bercent pas le bel oiseau...

Sur ton écorce rude et tendre
Ma douce main qui sera cendre
Se pose... O pur, ô bien-aimé,

Laisseras-tu cette âme impure
S'enivrer du beau sang gemmé
Qui perle hors de ta blessure ?

Septembre 1965
Les poèmes de Michel Guimbal Gouach11
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 11:09

Deux pieds !

J'ai deux pieds qui, pour ma perte,
Ne vont pas du même train.
L'un, fourchu un peu, je crains,
Vole vers les découvertes

Sur les talons de Vénus
Et trébuche ou bien s'enlise,
Loin de la Terre Promise !
En des sables inconnus.

L'autre Pégase éperonne
Et, de la terre bretonne,
Volerait vers l'éternel !

Tel, étonnez-vous, moqueuse
- Pied de sable, pied de ciel -
Si j'ai l'âme un peu boiteuse !


Juillet 1969


:balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons:


Pierre

Lourd bloc de quartz rose, venu
Du fond des temps et de la terre,
Laisse-moi chérir ton mystère,
Ami muet, bel inconnu.

Tu es lisse comme un sein nu,
Soyeux ainsi qu'une paupière,
Pourtant très vieille et dure pierre
Blessée en maint éclat ténu.

En toi je baise tant de choses :
Le feu, les gemmes et les roses,
La roseur d'un visage pur, -

Tout cela sommeillant encore,
Comme émergeant d'un songe obscur,
Avant la vie, avant l'Aurore !

1969. - 17 juillet 1993


:balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons: :balloons:


Adieu

Nos plus beaux jours sont moissonnés, l'herbe est flétrie
Où se perdirent les amours du bel Eté.
Des folles fleurs que nous aimions, qu'est-il resté ?
Le colchique rêveur fleurit seul la prairie.

Les blancs nuages vont fuyant vers d'autres cieux,
Leur ombre court, tout se dissipe, tout frissonne
Et voici que se lève, au fond du soir, l'Automne,
Comme un Mage qui penche un grand front soucieux.

Beau val où tant de fois j'ai reposé ma tête
Sur le sein frémissant de Cybèle, la fête
Est bien finie, il faut nous dire un triste adieu !

Un autre avril reviendra-t-il plein d'hirondelles
Et reverrai-je encor, le front sous le ciel bleu,
Près des blés mûrissants danser les Demoiselles *?

Vallon de la Choisille, septembre 1971

* je ne parle pas de celles qui ont deux jambes

Les poèmes de Michel Guimbal Causse10
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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 11:22

Ma demeure

J'ai mon hamac dans les ramages des oiseaux
Quand la brise les berce à la plus haute cime,
J'ai mon auberge à la grand-hune sur l'abîme
Et mon plus doux sommeil au sein mouvant des eaux.

Je campe avec le vent, les ombres, les nuages,
J'ai ma couche d'un soir dans les champs de blé mûr,
Dans la rumeur des Pins qui dansent dans l'azur,
Dans les sables marins, dans les herbes sauvages.

Je loge tous les jours près des chats endormis,
Dans le coeur du jasmin, dans ceux de mes amis,
Dans la bonté qui fait plus belle notre terre ;

J'ai ma blanche terrasse au bord du Golfe bleu
Et ma grotte secrète au coeur du grand mystère...
Mais ma demeure, où donc la cachez-vous, mon Dieu ?

6 mars 1978

Les poèmes de Michel Guimbal Pages_10

Semaine anglaise

Lundi, un ancien usage
Voulait qu'on sortît son cahier.
J'y dessine, en bon écolier,
Un tendre et merveilleux visage.

Mardi, sacré pour les combats,
Sonne qu'en armes on se lève !
Donc je me livre, mais en rêve,
A maints délicieux ébats.

Mercredi, las ! un vent contraire,
Venu de je ne sais quel nord,
Me retient prisonnier au port,
Et j'allais cingler vers Cythère !

Jeudi, à Jupin dédié,
M'engage à flotter dans les nues,
Non sans des mines ingénues,
Pour ne rien gâter, sacredié !

Vendredi, Vénus veut qu'on aime,
Jésus aussi, mais autrement.
Comment faire décidément
Pour me tirer de ce dilemme ?

Samedi, quoi ! déjà le bout ?
Et rien de fait ! Si, pour tout baume,
"Allons prendre le thé at home -
Avec Katie !!!..." Sage, surtout !

Et voici l'anglican dimanche
Et son religieux festin.
Allons, mon âme, ouvrons enfin
Notre aile par-dessus la Manche !

Londres, 1947

Michel en 1948
Les poèmes de Michel Guimbal Udxe2phqz8


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Message par Fée Violine Dim 16 Déc 2007 - 11:31

Cavoli

Cavoli, ta villa rose aux blanches terrasses,
Assise au pied du mont, au fond du golfe pur
Où murmure la mer sommeilleuse, où l'azur
Ne meurt que pour renaître au coeur des nuits fugaces,

Ta villa garde-t-elle, au milieu des cactus,
Des agaves et des figuiers de Barbarie,
L'écho des rires, des chansons, des causeries
Des amis dispersés, des coeurs qui se sont tus ?

Cavoli, nom d'oiseau, nom de grotte marine...
Qu'il brûlait haut, comme un bûcher sur la colline,
L'encens d'or du maquis brasillant sur la mer !

Longtemps, au souffle de velours des nuits bleutées,
Nous regardions au loin des phares s'allumer,
S'éteindre - feux obscurs comme nos destinées...

septembre 1969

Les poèmes de Michel Guimbal La_mer10
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Message par Fée Violine Mar 28 Avr 2009 - 10:38

Naissance de l'arbre, ou le Médiateur

Il y a de cela bien longtemps, l'Éternel
Songeait : "Voilà, j'ai fait la terre après le ciel
Et je vois que c'est bien ainsi. Le seul dommage,
C'est qu'ils ne parlent pas du tout même langage,
L'une étant noire et lourde, et l'autre fort subtil.
Sans quelque point commun l'amour existe-t-il ?"
Alors Dieu inventa L'ARBRE, vivant qui plonge
Des deux côtés profonds du réel, comme en songe.
Et l'Arbre se dressa joyeux, de l'union
De la Terre et du Ciel, à l'appel de son nom.
Et l'une lui donna le bois dur, plein de sève,
L'autre la voix du vent qui passe et parle en rêve,
L'une la rude écorce et l'autre les doux nids,
L'haleine de la mer, les parfums infinis.
Il eut en même temps, pour sa grâce première,
Des racines de nuit, des feuilles de lumière,
Et tandis que le ciel berçait l'Arbre, sans bruit
La terre nourrissait la promesse du fruit.
Et l'Arbre grandissait, majestueux et sage,
Paisible et plein de chants, dans l'azur sans nuage.

Et c'est depuis ce temps que la Terre et le Ciel
S'aiment, dans leur enfant, d'un amour éternel.


6 avril 1980 (jour de Pâques)
(extrait de Pour une voix seule)

Les poèmes de Michel Guimbal Ruflylvsh1
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Message par Plume ve Mar 28 Avr 2009 - 19:11

Dire les paroles qu'il faut dire, pas facile, face à la mort prochaine de son enfant ."Quand l'ancienne douleur aura fui comme un rêve....Ne sera plus qu'un peu de cendres dans le vent....Des soucis, des tourments ici-bas éprouvés!...Comme nous savions mal ce que c'est que d'aimer!...." et comme dire que l'on aime.
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Message par Fée Violine Lun 12 Juil 2010 - 20:56

Sur mon site http://pagesfeuilletees.free.fr, j'ai mis (avec l'aide technique d'Arnaud) presque une centaine de poèmes et de contes de mon oncle Michel, tous illustrés. Je dois dire que je trouve le résultat pas mal !
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