Pour Fée Violine...
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Pour Fée Violine...
Le père Brown, détective thomiste
Il ne combat pas le crime mais le Mal. Les hommes qu’il poursuit ne sont pas de simples meurtriers mais des pécheurs à la poursuite de leur vérité. Il est tellement rapide qu’on le trouve souvent sur les lieux du crime avant même qu’il n’advienne, les voies du saigneur sont impénétrables. Il repère des indices invisibles au regard du commun. Sa mise a la rusticité d’un curé de campagne qui ne tiendrait même pas son journal. Partout, il triomphe des superstitions en tous genres. La pensée magique n’est pas son amie. Pour autant, la méthode scientifique dite de stricte classification des faits lui est étrangère. Sa capacité d’empathie pour le coupable est telle qu’il se met non seulement dans sa peau mais dans son âme. De la métaphysique s’insinue dans ses enquêtes. Mais pour être thomiste, il n’en savoure pas moins la fumée du cigare. C’est Father Brown dit le père Brown, même si l’abbé Brown irait mieux à ce curé-détective tel qu’on peut le (re)découvrir dans Les Enquêtes du père Brown (postface de Françis Lacassin, 1216 pages, 28 euros, Omnibus). Son créateur Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), dont les amis français ont leur propre blog à lui consacré, l’a voulu extraordinairement banal par son absence remarquable de caractère, et arcimboldesque dans son apparence, son visage tenant du navet, du gros champignon noir et de la pomme de Norfolk. Chesterton s’amuse à parodier les canons du roman policier pour mieux les subvertir. Pas de suspense chez lui. Technique narrative irréprochable plus proche de la nouvelle que du roman, simplicité du secret et brièveté de son exposé, dramaturgie des masques, chute s’imposant comme un évidence. C’est sa façon. Elle fait merveille dans ces histoires écrites entre 1910 et 1914 alors que leur auteur était sur le chemin de sa conversion au catholicisme. Leurs titres font sourire ou rêver, c’est selon : « Le chant des poissons volants », « Le crime du communiste », « La dague ailée », « L’endeuillé du château de Marne », « Le marteau de Dieu », « La perdition des Pendragon », « Les trois instruments de la mort »… De tous les personnages qu’il croise, le Français Hercule Duroc dit Flambeau est des plus attirants ; ce géant à l’humour athlétique est un ancien voleur devenu détective capable de repeindre en une nuit tous les numéros d’une rue à seule fin d’attirer un suspect dans un piège, et de courir rue de Rivoli un gardien de la paix sous chaque bras. Gloire à Francis Lacassin, infatigable lecteur de ces enquêtes, qui les a éditées et analysées pour nous avec une méticulosité, une passion du détail et une fraîcheur qui forcent l’admiration. Il nous convaincrait que le père Brown a réussi le tour de force de concilier la logique et le miracle. Pas une virgule, une hésitation, un silence de ces cinquante nouvelles, à la traduction récente ou révisée, qui lui aient échappé. Chesterton lui devra un peu de sa renommée française. Un peu seulement car ce polygraphe anglais un peu français du côté de sa mère avait d’autres facettes. Journaliste-nez, le polémiste libéral est l’anti-Kipling sur le plan colonial, l’anti- G.B.Shaw sur le plan philosophique et l’anti- H.G.Wells sur le plan social. Dans le même temps, il déploie une intense activité de critique littéraire, consacrant des volumes à Charles Dickens, Robert Browning et au roman victorien. A mi-vie, il bascule en entrant en catholicisme, chemin couronné par sa conversion définitive en 1922. L’orateur achève sa vie en parleur à succès tant au micro de la BBC qu’aux tribunes des facultés américaines. Il y avait quelque chose de médiéval en lui. Il disait que le monde moderne était plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Il croyait que l’humanité ne produisait des optimistes que lorsqu’elle cessait de produire des heureux. Il pensait qu’un grand classique, c’est un homme dont on peut faire l’éloge sans l’avoir lu. Peut-être pour nous persuader que lui n’en serait jamais un.
(Alec Guinness dans le rôle du père Brown et G.K. Chesterton dans le rôle de sa vie, photos D.R.)
Il ne combat pas le crime mais le Mal. Les hommes qu’il poursuit ne sont pas de simples meurtriers mais des pécheurs à la poursuite de leur vérité. Il est tellement rapide qu’on le trouve souvent sur les lieux du crime avant même qu’il n’advienne, les voies du saigneur sont impénétrables. Il repère des indices invisibles au regard du commun. Sa mise a la rusticité d’un curé de campagne qui ne tiendrait même pas son journal. Partout, il triomphe des superstitions en tous genres. La pensée magique n’est pas son amie. Pour autant, la méthode scientifique dite de stricte classification des faits lui est étrangère. Sa capacité d’empathie pour le coupable est telle qu’il se met non seulement dans sa peau mais dans son âme. De la métaphysique s’insinue dans ses enquêtes. Mais pour être thomiste, il n’en savoure pas moins la fumée du cigare. C’est Father Brown dit le père Brown, même si l’abbé Brown irait mieux à ce curé-détective tel qu’on peut le (re)découvrir dans Les Enquêtes du père Brown (postface de Françis Lacassin, 1216 pages, 28 euros, Omnibus). Son créateur Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), dont les amis français ont leur propre blog à lui consacré, l’a voulu extraordinairement banal par son absence remarquable de caractère, et arcimboldesque dans son apparence, son visage tenant du navet, du gros champignon noir et de la pomme de Norfolk. Chesterton s’amuse à parodier les canons du roman policier pour mieux les subvertir. Pas de suspense chez lui. Technique narrative irréprochable plus proche de la nouvelle que du roman, simplicité du secret et brièveté de son exposé, dramaturgie des masques, chute s’imposant comme un évidence. C’est sa façon. Elle fait merveille dans ces histoires écrites entre 1910 et 1914 alors que leur auteur était sur le chemin de sa conversion au catholicisme. Leurs titres font sourire ou rêver, c’est selon : « Le chant des poissons volants », « Le crime du communiste », « La dague ailée », « L’endeuillé du château de Marne », « Le marteau de Dieu », « La perdition des Pendragon », « Les trois instruments de la mort »… De tous les personnages qu’il croise, le Français Hercule Duroc dit Flambeau est des plus attirants ; ce géant à l’humour athlétique est un ancien voleur devenu détective capable de repeindre en une nuit tous les numéros d’une rue à seule fin d’attirer un suspect dans un piège, et de courir rue de Rivoli un gardien de la paix sous chaque bras. Gloire à Francis Lacassin, infatigable lecteur de ces enquêtes, qui les a éditées et analysées pour nous avec une méticulosité, une passion du détail et une fraîcheur qui forcent l’admiration. Il nous convaincrait que le père Brown a réussi le tour de force de concilier la logique et le miracle. Pas une virgule, une hésitation, un silence de ces cinquante nouvelles, à la traduction récente ou révisée, qui lui aient échappé. Chesterton lui devra un peu de sa renommée française. Un peu seulement car ce polygraphe anglais un peu français du côté de sa mère avait d’autres facettes. Journaliste-nez, le polémiste libéral est l’anti-Kipling sur le plan colonial, l’anti- G.B.Shaw sur le plan philosophique et l’anti- H.G.Wells sur le plan social. Dans le même temps, il déploie une intense activité de critique littéraire, consacrant des volumes à Charles Dickens, Robert Browning et au roman victorien. A mi-vie, il bascule en entrant en catholicisme, chemin couronné par sa conversion définitive en 1922. L’orateur achève sa vie en parleur à succès tant au micro de la BBC qu’aux tribunes des facultés américaines. Il y avait quelque chose de médiéval en lui. Il disait que le monde moderne était plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Il croyait que l’humanité ne produisait des optimistes que lorsqu’elle cessait de produire des heureux. Il pensait qu’un grand classique, c’est un homme dont on peut faire l’éloge sans l’avoir lu. Peut-être pour nous persuader que lui n’en serait jamais un.
(Alec Guinness dans le rôle du père Brown et G.K. Chesterton dans le rôle de sa vie, photos D.R.)
Cécile- moderateur
- Nombre de messages : 3181
Age : 82
Localisation : Saône et Loire
Date d'inscription : 26/05/2007
Re: Pour Fée Violine...
hmmm... c'est alléchant ! merci !
depuis le temps que j'entends parler de cet auteur, je finirai peut-être par le lire !
j'aime bien notamment la fin de l'article
(je viens de passer une semaine entière à la campagne, sans ordinateur ! Ça fait plaisir de retrouver les forums, tout de même !)
depuis le temps que j'entends parler de cet auteur, je finirai peut-être par le lire !
j'aime bien notamment la fin de l'article
"Il y avait quelque chose de médiéval en lui. Il disait que le monde moderne était plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Il croyait que l’humanité ne produisait des optimistes que lorsqu’elle cessait de produire des heureux. Il pensait qu’un grand classique, c’est un homme dont on peut faire l’éloge sans l’avoir lu."
(je viens de passer une semaine entière à la campagne, sans ordinateur ! Ça fait plaisir de retrouver les forums, tout de même !)
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