MARTHE ET MARIE


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Message par etienne lorant Lun 16 Aoû 2010 - 13:35

Ayant décidé de m'impliquer un peu plus sur ce forum, je reproduis des textes déjà anciens, que je redécouvre et corrige à mesure. Celui-ci, que j'avais rédigé et que je publie ci-après, avait vraiment été écrit "sous le coup de l'émotion" mais avec une volonté d'objectivité, voire de "réalisme". Si un tel témoignage peut servir, c'est afin de dire que ce type d'expérience de vie, même s'il semble sombre, est en réalité vécu dans un "état de vérité" qui transfigure d'une certaine façon ce que le quotidien peut cacher de pénible. Mon père a vécu ainsi, je me suis retrouvé derrière lui, mais la douceur de l'Esprit de miséricorde - et donc la Joie, ne m'ont jamais quitté.

19/4/2008 - Souvenir de mon père. Depuis 2001, et de plus en plus, jusqu'à son décès, il a souffert de son dos et essayé différents traitements palliatifs. Durant les périodes de rémission de son mal, il poussait devant lui cette sorte de double-canne à roulettes, séparée par un plateau, qu'on appelle ici une "tribune". Chaque main enserrant une poignée de cette forme de poussette, le patient se déplace plus facilement et peut transporter de menus objets (sacs, couverts, journaux, etc.) Mais mon père, quant à lui, passait d'une pièce à l'autre, parcourant plusieurs fois comme en circuit, toutes les pièces du rez-de-chaussée. Un jour, je l'ai trouvé occupé ainsi et je me suis demandé s'il n'avait pas perdu la tête... pas du tout: "C'est pour affermir les muscles de mes jambes, j'ai besoin d'exercices si je veux guérir". Il se battait. C'était douloureux et à certains moments je l'entendais souffler fort, mais quel exemple de volonté, quelle ténacité !

Au cours des trois dernières années de sa vie - encore mille jours, cet exercice devint de plus en plus difficile et il finit par y renoncer. A partir de ce jour-là, lorsqu'il s'extrayait péniblement de son grand fauteuil pour se rendre à son lit, j'ai commencé de l'aider à s'asseoir sur le plateau de la tribune et, cette fois, c'est moi qui tirais sur les poignées, en marchant à reculons pour traverser la salle à manger, puis le salon jusqu'à son lit.

Je le revois encore: déshabillé, puis couché, il fixait le plafond avec de grands yeux qui avaient toujours l'air étonné et comme regardant au-delà. On eût dit un de ses enfants du tiers-monde aux yeux globuleux - c'est vrai qu'il ne se nourrissait plus que d'aliments moulus et toute trace de graisse avait déserté sa figure, mais il y avait plus: il déprimait et c'est sa déchéance, ainsi que sa fin prochaine, qu'il contemplait comme un scénario visible pour lui seul sur le plafond... Pour remédier à ce moment toujours pénible avant le sommeil, nous lui avions obtenu un léger calmant - un des rares médicaments qu'il acceptait. Finalement, comme je lui souhaitais bonne nuit, il me répétait "Merci... merci... merci... " Et moi de répondre aussi vite: "Ce n'est rien, vraiment rien, repose-toi".

Ce chemin qui allait du fauteuil au lit, je l'ai parcouru chaque soir, trois années de suite, et je n'y ai manqué que les soirs où ma propre angoisse me serrait la gorge, ou bien au contraire parce que je me rebellais : ah, si l'on m'avait prédit, des années plus tôt, que je passerais chaque soir de dix à trente minutes (ce n'est pas moi qui décidais de l'heure du coucher), à attendre mon tour de service dans la pièce voisine... comme j'aurais dit: "Non, pas question, allons, jamais de la vie !"

Eh bien, je peux arrêter ce témoignage ici : à l'époque où je me suis converti, il y a cette fois plus de 23 ans, la volonté de Dieu m'est d'abord apparue comme quelque chose de "grandiose" à accomplir, et j'avais l'esprit vagabond, mais j'ai vite déchanté ! Cependant, j'étais en relation étroite avec un vieux Rédemptoriste et c'est lui qui m'a dit: "Si vous rêvez de mission, attendez le jour où vous vous sentirez poussé à faire ce que vous ne voudriez "certainement pas" faire: car, c'est là, et uniquement par le secours de la grâce, que vous aurez la certitude d'accomplir quelque chose d'utile à Dieu"...

J'ai bien envie de répondre à cette amie, qui me voit peut-être partir pour l'Afrique comme coopérant, qu'elle n'a pas encore compris: il y a bien longtemps que la "mission" est commencée ... Oh, je ne dis pas que je ne partirai jamais, mais je sais que de toute manière, à mes yeux, cela n'aura rien de glorieux, ni d'enthousiasmant: il y aura toujours un soir et un matin, il y aura toujours une peine à supporter le mieux possible, et la Joie sera toujours voisine de la souffrance - ce qui est tout à fait dans les "normes" de la vie en Dieu.
etienne lorant
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