Détenue libérée ?
+2
doris
Cécile
6 participants
Page 1 sur 1
Détenue libérée ?
Ces couvents qui accueillent des criminelles repenties
Par Amélie Gautier le 11 mai 2011 à 19:02
Interview - Michelle Martin, l'ex femme de Marc Dutroux, souhaite rejoindre un couvent qui accueille d'anciennes détenues. Qui sont ces femmes ? Quelles sont leurs motivations ? Quelles sont les communautés qui les reçoivent ? Les réponses d'un prêtre à TF1 News.
TF1 News : On les surnommerait la "légion étrangère des religieuses"...
J-M. G. : Oh, c'est une expression peu heureuse. On fait sans doute l'analogie avec le fait qu'on ne demande pas non plus leur passé à ceux qui s'engagent dans la Légion étrangère. Mais ce qui est en jeu ici est nettement plus délicat que ce qui est en jeu dans la Légion !
TF1 News : Mais justement quel est l'enjeu, que viennent-elles chercher ?
J-M.G. : Au couvent ? Dieu ! Ce n'est pas un foyer, c'est une communauté religieuse, ce sont des bonnes sœurs avec un voile sur la tête qui se vouent à une vie contemplative. L'une de leurs particularités est de faire beaucoup de visites en prison, dans le quartier pour femmes de Rennes, par exemple. Et là, elles vont voir les détenues dans leur cellule, pas au parloir. Elles parlent de leurs "sœurs de Rennes", elles vont les rencontrer comme des amies. Parfois aussi, elles accueillent aussi dans leur couvent de manière temporaire des femmes qui ont besoin de souffler ou qui viennent faire une escale après une longue peine de prison.
TF1 News : Vous fréquentez ces femmes depuis plus de 25 ans. Quel est leur parcours, d'où viennent-elles... ?
J-M. G. : Ah... grande question ! Ma réponse : je n'en sais rien. Je serais bien incapable de vous le dire même pour celles dont je suis le plus proche... On ne se questionne pas car cela n'a aucune importance et peu de sœurs sont au courant du passé de la nouvelle. Vous savez, c'est très impressionnant de voir une communauté humaine qui se dit : "on ne va pas s'intéresser à une étiquette, à une profession, à un âge", mais on va faire autrement. On va regarder la personne qui est là, au présent.
TF1 News : Certaines ont quand même un lourd passé...
J-M.G. Oui. Mais ce parti pris d'une discrétion absolue fait qu'on repart de zéro. C'est capital. Si une communauté se dit dans un espèce d'acte d'héroïsme "allez on va le faire, on va accueillir quelqu'un qui sort de prison", il y aura toujours le risque pour cette personne que son passé lui ressorte à la figure un jour ou l'autre, qu'il y ait une défiance...
Les sœurs dominicaines de Béthanie regardent cette femme dans ses capacités d'aujourd'hui. Peu importe qu'elle ait été prostituée ou 20 ans en prison, si elle sait compter, elle sera comptable de la communauté. C'est unique, c'est d'une audace incroyable...
TF1 News : Michelle Martin pourrait être accueillie dans l'un de ces couvents. Est-ce que cela voudrait dire que la justice condamne et que l'Eglise pardonne ?
J-M. G. : L'Eglise pardonne-t-elle tout ? Ce ne serait pas l'Eglise, ce serait Dieu. Mais attention, pardonner, ce ne veut certainement pas dire comme si rien ne s'était passé. Le véritable pardon ne peut s'exercer que dans la vérité. La discrétion de Béthanie ne consiste surtout pas à faire comme si il ne s'était rien passé. Le passé, c'est le passé. Maintenant on regarde le présent et l'avenir.
Par Amélie Gautier le 11 mai 2011 à 19:02
Par Amélie Gautier le 11 mai 2011 à 19:02
Interview - Michelle Martin, l'ex femme de Marc Dutroux, souhaite rejoindre un couvent qui accueille d'anciennes détenues. Qui sont ces femmes ? Quelles sont leurs motivations ? Quelles sont les communautés qui les reçoivent ? Les réponses d'un prêtre à TF1 News.
Par la voix du ministre de la Justice, Michel Mercier, la France a déclaré mercredi qu'elle "n'avait pas l'intention de dire oui" à la demande de l'ancienne femme du pédophile belge Marc Dutroux. Michelle Martin souhaite en effet s'installer dans un couvent de l'Hexagone après sa libération conditionnelle. Dans quelle communauté ? Nul ne le sait. Mais en France, seulement une congrégation accueille des femmes au lourd passé comme c'est le cas de cette femme de 51 ans, reconnue coupable d'avoir séquestré plusieurs des jeunes victimes du pédophile et d'avoir laissé mourir de faim les petites Julie et Melissa, âgées de 8 ans. Son nom : les Sœurs dominicaines de Béthanie. Le frère Jean-Marie Gueullette*, prêtre dominicain, connait très bien cette discrète communauté. Il nous la présente.
TF1 News : Qui sont les sœurs dominicaines de Béthanie ?
Jean-Marie Gueullette : C'est une congrégation qui accueille aussi bien des religieuses à l'histoire personnelle sans accident particulier comme celles ayant connu la prison ou la prostitution. C'est une particularité unique dans l'Eglise catholique. Elles vivent ensemble dans la plus grande discrétion en ne faisant aucune allusion à leur passé dans leur vie communautaire. C'est une toute petite congrégation. Au total, elles sont 70 dans le monde. Elles ont quatre maisons : deux en France, l'une en région parisienne, l'autre près de Besançon. Les deux autres en Suisse et en Italie.
TF1 News : Quelle est la genèse cette communauté ?
J-M. G. : Elle a été créée vers 1866 par le frère Lataste. Ce dominicain prêchait à des femmes en prison, comme beaucoup d'autres curés. Dans le système pénitentiaire français du XIXe siècle, il y avait deux grands moyens de moraliser les détenues : le travail et la religion. Alors, on les mettait aux travaux forcés et on leur faisait faire des exercices religieux pour les remettre dans le droit chemin.
Le prêtre venait pour les exhorter à la vertu et c'était souvent des prédications très culpabilisantes de la part d'un homme d'Eglise qui se penchait sur la misère des détenues du haut de sa propre vertu.
TF1 News : Qui sont les sœurs dominicaines de Béthanie ?
Jean-Marie Gueullette : C'est une congrégation qui accueille aussi bien des religieuses à l'histoire personnelle sans accident particulier comme celles ayant connu la prison ou la prostitution. C'est une particularité unique dans l'Eglise catholique. Elles vivent ensemble dans la plus grande discrétion en ne faisant aucune allusion à leur passé dans leur vie communautaire. C'est une toute petite congrégation. Au total, elles sont 70 dans le monde. Elles ont quatre maisons : deux en France, l'une en région parisienne, l'autre près de Besançon. Les deux autres en Suisse et en Italie.
TF1 News : Quelle est la genèse cette communauté ?
J-M. G. : Elle a été créée vers 1866 par le frère Lataste. Ce dominicain prêchait à des femmes en prison, comme beaucoup d'autres curés. Dans le système pénitentiaire français du XIXe siècle, il y avait deux grands moyens de moraliser les détenues : le travail et la religion. Alors, on les mettait aux travaux forcés et on leur faisait faire des exercices religieux pour les remettre dans le droit chemin.
Le prêtre venait pour les exhorter à la vertu et c'était souvent des prédications très culpabilisantes de la part d'un homme d'Eglise qui se penchait sur la misère des détenues du haut de sa propre vertu.
Le frère Lataste n'a pas agi comme cela. Lui, a osé regarder les condamnées à l'horizontale. Il leur a parlé en disant "mes sœurs". Ce n'était pas une formule rhétorique de prédicateur. Mais il se considérait vraiment comme leur frère. Il les a regardées comme des femmes capables de poser des actes moraux dans le beau sens du terme. Lors de ses prêches, il a été surpris de découvrir que parmi les 400 femmes qui l'écoutaient, certaines voulaient devenir religieuses. A l'époque, qu'une ancienne détenue devienne religieuse, c'était totalement inimaginable !
TF1 News : Et ensuite ?
J-M. G. : Il a alors créé une communauté où elles pourraient le devenir ! C'était un geste politique, un acte subversif à l'époque. La fondation de Béthanie était une manière de dire "vous ne pourrez plus dire que toute personne qui sort de prison est incapable", "vous ne pourrez plus dire "il faut toujours se méfier"... Et oui, car ces femmes maintenant étaient capables d'être des religieuses.
TF1 News : Et ensuite ?
J-M. G. : Il a alors créé une communauté où elles pourraient le devenir ! C'était un geste politique, un acte subversif à l'époque. La fondation de Béthanie était une manière de dire "vous ne pourrez plus dire que toute personne qui sort de prison est incapable", "vous ne pourrez plus dire "il faut toujours se méfier"... Et oui, car ces femmes maintenant étaient capables d'être des religieuses.
"Je ne les questionne pas sur le passé" |
TF1 News : On les surnommerait la "légion étrangère des religieuses"...
J-M. G. : Oh, c'est une expression peu heureuse. On fait sans doute l'analogie avec le fait qu'on ne demande pas non plus leur passé à ceux qui s'engagent dans la Légion étrangère. Mais ce qui est en jeu ici est nettement plus délicat que ce qui est en jeu dans la Légion !
TF1 News : Mais justement quel est l'enjeu, que viennent-elles chercher ?
J-M.G. : Au couvent ? Dieu ! Ce n'est pas un foyer, c'est une communauté religieuse, ce sont des bonnes sœurs avec un voile sur la tête qui se vouent à une vie contemplative. L'une de leurs particularités est de faire beaucoup de visites en prison, dans le quartier pour femmes de Rennes, par exemple. Et là, elles vont voir les détenues dans leur cellule, pas au parloir. Elles parlent de leurs "sœurs de Rennes", elles vont les rencontrer comme des amies. Parfois aussi, elles accueillent aussi dans leur couvent de manière temporaire des femmes qui ont besoin de souffler ou qui viennent faire une escale après une longue peine de prison.
TF1 News : Vous fréquentez ces femmes depuis plus de 25 ans. Quel est leur parcours, d'où viennent-elles... ?
J-M. G. : Ah... grande question ! Ma réponse : je n'en sais rien. Je serais bien incapable de vous le dire même pour celles dont je suis le plus proche... On ne se questionne pas car cela n'a aucune importance et peu de sœurs sont au courant du passé de la nouvelle. Vous savez, c'est très impressionnant de voir une communauté humaine qui se dit : "on ne va pas s'intéresser à une étiquette, à une profession, à un âge", mais on va faire autrement. On va regarder la personne qui est là, au présent.
"Articuler le pardon à la peine" |
TF1 News : Certaines ont quand même un lourd passé...
J-M.G. Oui. Mais ce parti pris d'une discrétion absolue fait qu'on repart de zéro. C'est capital. Si une communauté se dit dans un espèce d'acte d'héroïsme "allez on va le faire, on va accueillir quelqu'un qui sort de prison", il y aura toujours le risque pour cette personne que son passé lui ressorte à la figure un jour ou l'autre, qu'il y ait une défiance...
Les sœurs dominicaines de Béthanie regardent cette femme dans ses capacités d'aujourd'hui. Peu importe qu'elle ait été prostituée ou 20 ans en prison, si elle sait compter, elle sera comptable de la communauté. C'est unique, c'est d'une audace incroyable...
TF1 News : Michelle Martin pourrait être accueillie dans l'un de ces couvents. Est-ce que cela voudrait dire que la justice condamne et que l'Eglise pardonne ?
J-M. G. : L'Eglise pardonne-t-elle tout ? Ce ne serait pas l'Eglise, ce serait Dieu. Mais attention, pardonner, ce ne veut certainement pas dire comme si rien ne s'était passé. Le véritable pardon ne peut s'exercer que dans la vérité. La discrétion de Béthanie ne consiste surtout pas à faire comme si il ne s'était rien passé. Le passé, c'est le passé. Maintenant on regarde le présent et l'avenir.
Ne plus parler du passé ne veut pas dire qu'on porte un déni sur le passé. Cela serait pervers. C'est cela la réaction qui se développe avec l'affaire Dutroux. La réaction sociale voudrait que toutes les condamnations soient à perpétuité : les criminels ne restent jamais assez longtemps en prison, ils n'ont jamais suffisamment payé. Marc Dutroux aura beau faire 500 ans de prison, cela ne suffira pas.
Les propos du fondateur de la communauté de Béthanie sont différents. Pour le frère Lataste, quand un homme a purgé sa peine et qu'il sort de prison, basta, il a payé, et il faut maintenant le regarder comme un être humain capable aussi de faire du bien. Il articulait beaucoup le pardon à la peine.
*Enseignant-chercheur à l'université catholique de Lyon, le frère Jean-Marie Gueullette a notamment écrit "Ces femmes qui étaient mes sœurs... Vie du Père Lataste, apôtre des prisons, Paris, Cerf, 2008.
Par Amélie Gautier le 11 mai 2011 à 19:02
Cécile- moderateur
- Nombre de messages : 3181
Age : 82
Localisation : Saône et Loire
Date d'inscription : 26/05/2007
Re: Détenue libérée ?
Ah oui, je connais ce couvent : grand parc, verdure et adoration devant le Saint Sacrement !
Sympa, ce reportage, Cécile !
Sympa, ce reportage, Cécile !
doris- Membre actif
- Nombre de messages : 761
Date d'inscription : 01/10/2008
Re: Détenue libérée ?
Je le dis ouvertement: le niveau des paroles haineuses qui s'échangent chaque jour dans notre société m'effraye.Ce couvent de femmes où l'on a le droit de "re-naître"sans traîner mille boulets, où l'atmosphère est vraiment fraternelle, il en faudrait beaucoup!Les motifs d'un refus éventuel?il y a des risques ?sans doute, mais donner une espérance (exigente)digne d'un être humain à celui(celle) qui a payé sa peine,Dieu doit être d'accord...
lina lhoste- Soyez indulgent, je suis nouveau...
- Nombre de messages : 6
Age : 106
Localisation : Manche sud
Date d'inscription : 29/04/2011
Re: Détenue libérée ?
Le Père Lataste était en effet quelqu'un de formidable. Il est en cours de béatification.
https://marthetmarie.1fr1.net/t3068-les-saints-dominicains
https://marthetmarie.1fr1.net/t3068-les-saints-dominicains
Dernière édition par Fée Violine le Jeu 12 Mai 2011 - 19:11, édité 1 fois
Re: Détenue libérée ?
lina lhoste a écrit:Je le dis ouvertement: le niveau des paroles haineuses qui s'échangent chaque jour dans notre société m'effraye.Ce couvent de femmes où l'on a le droit de "re-naître"sans traîner mille boulets, où l'atmosphère est vraiment fraternelle, il en faudrait beaucoup!Les motifs d'un refus éventuel?il y a des risques ?sans doute, mais donner une espérance (exigente)digne d'un être humain à celui(celle) qui a payé sa peine,Dieu doit être d'accord...
absolument !
Maintenant, nous ne sommes pas les parents des enfants 'agressés' ! Et je comprends que eux, ne puissent pas pardonner.
doris- Membre actif
- Nombre de messages : 761
Date d'inscription : 01/10/2008
Re: Détenue libérée ?
Maintenant, nous ne sommes pas les parents des enfants 'agressés' ! Et je comprends que eux, ne puissent pas pardonner.
Bien sûr, on ne peut pas leur demander ça...
Cela me fait penser à une interview de Badinter (qui a obtenu l'abolition de la peine de mort en France). Le journaliste lui demandait ce qu'il ferait si son enfant était assassiné; il avait répondu qu'il tuerait lui-même l'assassin s'il le pouvait. Ce qu'on peut comprendre d'un parent aussi cruellement éprouvé n'est pas admissible quand c'est la société qui tue ! Sa position n'était pas aussi contradictoire qu'il pouvait paraître...
Bien sûr, on ne peut pas leur demander ça...
Cela me fait penser à une interview de Badinter (qui a obtenu l'abolition de la peine de mort en France). Le journaliste lui demandait ce qu'il ferait si son enfant était assassiné; il avait répondu qu'il tuerait lui-même l'assassin s'il le pouvait. Ce qu'on peut comprendre d'un parent aussi cruellement éprouvé n'est pas admissible quand c'est la société qui tue ! Sa position n'était pas aussi contradictoire qu'il pouvait paraître...
Cécile- moderateur
- Nombre de messages : 3181
Age : 82
Localisation : Saône et Loire
Date d'inscription : 26/05/2007
Re: Détenue libérée ?
Un jour, je me suis rendu à la sépulture d'une fille assassinée et violée que je connaissais bien. A la prière universelle, le prêtre a lu de la part des parents : "Accueille notre désir de pardon"
Re: Détenue libérée ?
Quelle foi !
Désir de pardon... Il faut certainement beaucoup de temps pour le réaliser, mais en avoir déjà le désir, c'est admirable.
Désir de pardon... Il faut certainement beaucoup de temps pour le réaliser, mais en avoir déjà le désir, c'est admirable.
Cécile- moderateur
- Nombre de messages : 3181
Age : 82
Localisation : Saône et Loire
Date d'inscription : 26/05/2007
Re: Détenue libérée ?
Cécile a écrit:Maintenant, nous ne sommes pas les parents des enfants 'agressés' ! Et je comprends que eux, ne puissent pas pardonner.
Bien sûr, on ne peut pas leur demander ça...
Cela me fait penser à une interview de Badinter (qui a obtenu l'abolition de la peine de mort en France). Le journaliste lui demandait ce qu'il ferait si son enfant était assassiné; il avait répondu qu'il tuerait lui-même l'assassin s'il le pouvait. Ce qu'on peut comprendre d'un parent aussi cruellement éprouvé n'est pas admissible quand c'est la société qui tue ! Sa position n'était pas aussi contradictoire qu'il pouvait paraître...
Cette réaction est tout à fait légitime ! C'est la chair qui parle d'elle-même !
doris- Membre actif
- Nombre de messages : 761
Date d'inscription : 01/10/2008
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum