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Message par Joss Sam 6 Avr 2013 - 10:49

DEUX INTERVIEWS SUR MEDIAPART

Shlomo Sand : l’illusionnisme casse-cou d’Israël


Shlomo Sand : brèves visions d'Israël par Mediapart

La vidéo ci-dessus résume à grands traits les positions de Shlomo Sand, né en 1946, de parents juifs polonais, dans un camp de réfugiés en Autriche. Mediapart avait déjà interrogé ce professeur d'histoire contemporaine à l'université de Tel-Aviv lorsqu'il publia, en 2008, Comment le peuple juif fut inventé. De la Bible au sionisme (Fayard). Ce livre valut à son auteur d'être traité de négationniste.

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Voici que sort en librairie Comment la terre d'Israël fut inventée. De la Terre sainte à la mère patrie (Flammarion, 368 p., 22,50 euros). Continuant son entreprise de questionnement du lien entre les juifs et la “terre d'Israël”, Shlomo Sand décrypte « cette image mystifiante centrale » consistant à présenter la Palestine comme “une terre sans peuple” forcément destinée à “un peuple sans terre”. L'ouvrage s'attache à démontrer le rôle des chrétiens évangélistes dans la propagation d'une telle appréhension.

Avec le Centre d'histoire sociale du XXe siècle (lire la “boîte noire”), nous avons convié Shlomo Sand à s'expliquer sur la situation actuelle en Israël, à partir de ce qu'il écrit en conclusion de son essai :

« En apparence, l'occupation, entrée dans sa cinquième décennie, prépare, au plan territorial, la constitution d'un État binational. La pénétration croissante de colons au sein de zones d'habitation palestiniennes densément peuplées apparaît comme un processus qui rend impossible toute tentative de séparation politique (...) Le grand compromis prometteur, reposant sur le retour d'Israël aux frontières de 1967, la création d'un État palestinien voisin (avec Jérusalem comme capitale commune), la fondation d'une confédération entre deux républiques souveraines et démocratiques appartenant à tous les citoyens qui vivent dans chacune d'elle, apparaît comme un rêve qui s'éloigne et s'évanouit dans l'obscurité du temps. »

Dans la vidéo ci-dessous, Shlomo Sand détaille d'abord les différences (illusoires à ses yeux) entre Benjamin Netanyahou et Ariel Sharon, par rapport au (prétendu) processus de paix avec les Palestiniens. Shlomo Sand revient sur sa vision, évolutive, des accords d'Oslo signés à Washington en septembre 1993 (à partir de 1 minute 30). Il raconte une anecdote éclairante (5 min 55) au sujet de Haider Abdel Shafi (1919-2007), ce médecin palestinien de gauche et laïque, favorable à la reconnaissance d'Israël et à l'arrêt des violences, contre l'abandon de toute colonisation. Shlomo Sand est interrogé (9 min) sur une tentation à laquelle cède son pays : négocier avec des interlocuteurs une fois que ceux-ci sont discrédités et débordés par plus belliqueux, ce qui rend la paix inatteignable. Il résume la position d'Israël (15 min 45), qui veut la paix et la terre (ce qui permet en anglais ce jeu de mot : to want peace, plus a piece of Gaza and a piece of the West bank). Enfin (19 min 30), pour faire comprendre aux Français les difficultés du compromis territorial, Shlomo Sand prend l'exemple de ce que serait la perte d'Orléans, si liée à Jeanne d'Arc dans l'imaginaire hexagonal – avant que ne lui soit soufflé le nom plus symbolique de Reims, ville du sacre des rois de France...


Shlomo Sand : du traquenard patriotique en... par Mediapart

Dans la dernière vidéo (ci-dessous), Shlomo Sand répond d'emblée à une question (coupée au montage) concernant la résistance au sionisme au sein même de la société israélienne. Il introduit (3 min 30) une analyse en termes de classes, montrant que les couches les plus défavorisées parmi les juifs d'Israël sont conduites, en cas de crise économique, à opter pour l'extrémisme politique tout en lâchant du lest sur le sionisme même. Il insiste cependant (6 min 15) sur l'absence de solidarité avec les Palestiniens, encore récemment maintenus dans l'angle mort de la gauche israélienne, lors des grandes manifestations de protestations sociales dans le pays – ainsi qu'en témoignèrent les propos de la responsable du parti travailliste rénové : Shelly Yachimovich (à 9 min 14). Shlomo Sand se définit lui-même comme « non sioniste », ou « post-sioniste » plutôt que comme anti-sioniste (12 min 30) et prend l'exemple de la France, si elle devait être définie comme un « État gallo-catholique » (13 min 03). Il pointe par ailleurs les manquements occidentaux, rehausse Carter mais rabaisse Obama et Clinton (à partir de 14 min 20), tout en insistant sur l'écrasante responsabilité du lobby évangéliste (15 min 45). Enfin (à partir de 16 min 20), Shlomo Sand évoque le cas de l'Iran : il fustige l'enrôlement dangereux d'Israël dans une politique de “choc des civilisations”, qui joue avec le feu symbolique et nucléaire..


Shlomo Sand : du traquenard patriotique en... par Mediapart

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Message par Joss Sam 6 Avr 2013 - 11:08

17 septembre 2008

«Je n'ai rien découvert de nouveau, j'ai simplement organisé autrement le savoir existant», assure Shlomo Sand. Ce professeur d'histoire à l'université de Tel-Aviv, né en 1946, est en France cette semaine pour présenter son dernier livre, paru le 3 septembre chez Fayard. Dans Comment le peuple juif fut inventé, il défend la thèse selon laquelle les juifs du monde entier ne sont pas tous issus du grand exil de l'an 70 mais bénéficient au contraire d'origines les plus diverses.

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En Israël, où il a été publié au printemps, le livre a trouvé un excellent écho du côté des journalistes, et notamment auprès du quotidien Haaretz. Un accueil qui n'a que peu surpris Shlomo Sand. «Plus que les gens de gauche et les orthodoxes, qui ont plutôt un regard bienveillant sur mon travail, affirme-t-il, mon livre va déranger ces juifs qui vivent à Paris, à New York, et pensent que l'Etat d'Israël leur appartient davantage qu'à mon collègue arabe israélien.»

Pourquoi avoir choisi ce titre, qui sonne comme une provocation ?
Au début je craignais un peu cet effet provocant mais, en fait, le titre reflète parfaitement le contenu de mon livre. Et puis, je crois que ce n'est pas le seul cas d'invention d'un peuple. Je pense par exemple qu'à la fin du XIXe siècle, on a inventé le peuple français. Le peuple français n'existe pas en tant que tel depuis plus de 500 ans, comme on a alors essayé de le faire croire.

Le peuple juif, c'est encore plus compliqué, parce qu'on le considère comme un peuple très ancien, qui a cheminé de par le monde pendant 2000 ans, avant de retourner chez lui. Je crois au contraire que le peuple juif a été inventé.

Quand je dis peuple juif, j'utilise le sens moderne du mot peuple. Quand on évoque aujourd'hui le peuple français, on parle d'une communauté qui a une langue commune, des pratiques, des normes culturelles et laïques communes. Donc je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a un peuple juif au sens moderne du terme. Je ne crois pas qu'il y a 500 ans, les juifs de Kiev et ceux de Marrakech avaient ces pratiques, ces normes culturelles communes. Ils avaient une chose importante en commun : une croyance, une foi commune, des rituels religieux communs. Mais si les seules affinités entre des groupes humains sont de nature religieuse, j'appelle cela une communauté religieuse et non un peuple.

Est-ce que vous savez par exemple que durant le Moyen Age, on a utilisé l'expression «peuple chrétien» ? Pourtant, aujourd'hui, aucun historien ne parlerait de «peuple chrétien». Avec la même logique, je ne pense pas qu'on puisse parler de peuple juif.

Je ne le pense pas en outre parce que les origines historiques des juifs sont très variées. Je ne crois pas en effet que les juifs ont été exilés par les Romains en l'an 70.

Je me souviens, il y a quelques années, alors que je m'interrogeais sur l'histoire du judaïsme, d'avoir ressenti un véritable choc: tout le monde est d'avis que l'exil du peuple juif est l'élément fondateur de l'histoire du judaïsme, et pourtant, cela paraît incroyable, mais il n'y a pas un livre de recherche consacré à cet exil. Il est pourtant considéré comme l'«événement» qui a créé la diaspora, l'exil permanent de 2000 ans. Rendez-vous compte : tout le monde «sait» que le peuple juif a été exilé mais personne n'a fait de recherche, ou n'a en tout cas écrit un livre pour faire savoir si c'est vrai ou non.

Avec mes recherches, j'ai découvert que c'est dans le patrimoine spirituel chrétien, au IIIe siècle, que le mythe du déracinement et de l'expulsion a été entretenu, avant d'infiltrer plus tard la tradition juive. Et que le judaïsme n'adopte cette notion d'exil permanent.


Shlomo Sand peuple par Mediapart

L'instrumentalisation de la mémoire

Sur ce point, vous évoquez dans votre ouvrage la notion de «mémoire greffée».

«Greffée» est un mot un peu fort. Mais vous savez, si vous et moi n'étions pas allés à l'école, nous ne connaîtrions pas l'existence de Louis XVI. Pour parler de la Révolution française, cette mémoire des noms de Danton et de Robespierre, vous ne l'avez pas reçue spontanément mais dans une structure, à l'école, dans le cadre d'un savoir que quelqu'un a créé et organisé pour vous le transmettre. Quelqu'un a décidé que vous deviez connaître x et pas y. Je ne trouve pas cela forcément critiquable. Chaque mémoire collective est une mémoire greffée, dans le sens où quelqu'un a décidé de la transmettre à d'autres.

Je ne parle pas ici de conspiration mais c'est cela l'éducation moderne. C'est-à-dire que ce n'est pas quelque chose qui coule de père en fils. La mémoire greffée, c'est la mémoire que l'éducation nationale a décidé que vous deviez recevoir.

Si vous aviez vécu en France dans les années 50, en tant qu'écolier, que lycéen, vous auriez su très peu de chose sur la Shoah. En revanche, dans les années 90, chaque lycéen a une notion de ce qu'est la Shoah. Mémoire greffée n'implique donc pas qu'il s'agisse nécessairement d'un mensonge.

Vous dites néanmoins que les autorités israéliennes ont «greffé» une mémoire pour justifier l’existence d’Israël.

Il faut comprendre que transmettre une mémoire, créer une mémoire, ou façonner une mémoire, une conscience du passé, cela a pour finalité d’être instrumentalisé, dans le sens où cela doit servir un intérêt, particulier ou collectif. Chaque mémoire collective, étatique, nationale, est instrumentalisée. Même la mémoire personnelle, qui est certes beaucoup plus spontanée et qui ne peut pas être dominée aussi facilement, est instrumentalisée : vous faites une bêtise, cela rentre dans votre expérience, et vous ne refaites pas la même.
Toute mémoire nationale est instrumentalisée. Car sinon, pourquoi la mémoriserait-on ?

Le point central des mémoires nationales, c’est qu’elles sont instrumentalisées pour servir la nation. En tant qu’historien, je pense que la nation est une invention très moderne. Je ne crois pas qu’il y a 500 ans, il y avait une nation française. Et il n’y avait pas de nation juive. Donc je crois que ceux qui ont voulu façonner une nation juive israélienne ont commencé par réfléchir sur ce passé, en l’instrumentalisant pour faire émerger une dimension de continuité.

Dans le cas du sionisme, il fallait s’investir lourdement car il fallait acquérir une terre qui ne nous appartenait pas. Il fallait une histoire forte, une légitimité historique. Mais au final, cela demeure absurde.

Il y a dix ans, je n’avais pas ces idées, ce savoir que j’ai mis dans ce livre. Mais comme citoyen israélien je trouvais déjà fou que quelqu’un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne, etc. Je ne pensais pas que j’eusse, moi, juif israélien, un droit historique sur la terre de Palestine. Après tout, pourquoi deux mille ans oui et mille non ?

Mais je pensais cependant que j’appartenais à ce peuple, parti il y a deux mille ans, qui a erré, erré... qui est arrivé à Moscou, a fait demi-tour et est rentré chez lui. En faisant ce livre, je me suis rendu compte que cela aussi, c’était un mythe, qui est devenu une légende.

D’un point de vue politique cependant, ce livre n’est pas très radical. Je n’essaie pas de détruire l’Etat d’Israël. J’affirme que la légitimité idéologique et historique sur laquelle se fonde aujourd'hui l’existence d’Israël est fausse.

«Il n'y a pas de droit historique des juifs sur la terre de Palestine»

Vous citez néanmoins Arthur Koestler, qui disait à propos de son ouvrage La Treizième Tribu : « Je n'ignore pas qu'on pourrait l'interpréter [le livre] avec malveillance comme une négation du droit à l'existence de l'Etat d'Israël. » Cette remarque ne s'applique-t-elle pas à votre livre ?

Certes. Vous savez, j'essaie d'être un historien mais je suis aussi un citoyen, et un homme qui pense politiquement. D'un point de vue historique, je vous dis aussi : non, il n'y a pas de droit historique des juifs sur la terre de Palestine, qu'ils soient de Jérusalem ou d'ailleurs.

Mais je dis aussi, d'un point de vue plus politique : vous ne pouvez réparer une tragédie en créant une autre tragédie. Nier l'existence d'Israël, cela veut dire préparer une nouvelle tragédie pour les juifs israéliens. Il y a des processus historiques que l'on ne peut pas changer.

On ne peut donc pas éliminer Israël par la force mais on peut changer Israël. Une chose est importante : pour donner la chance à Israël d'exister, la condition est double : réparer, dans la mesure du possible, la tragédie palestinienne. Et créer en Israël un Etat démocratique. Le minimum pour définir un Etat démocratique est de dire qu'il appartient à l'ensemble de ses citoyens. C'est la base : on ne dira jamais par exemple que l'Etat français appartient uniquement aux catholiques.

L'Etat d'Israël se définit pourtant comme l'Etat du peuple juif. Pour vous donner un exemple, ça veut dire que l'Etat d'Israël appartient davantage à Alain Finkielkraut, citoyen français, qu'à un collègue qui travaille avec moi à l'université de Tel-Aviv, qui est originaire de Nazareth, qui est citoyen israélien mais qui est arabe. Lui ne peut pas se définir comme juif, donc l'Etat d'Israël ne lui appartient pas. Mais il est israélien, point. Il ne devrait pas être contraint de chanter un hymne national qui contient les paroles «Nous les juifs». La vérité, c'est qu'il n'a pas d'Etat.

On doit davantage parler de ce problème de démocratie, pour espérer conserver l'Etat Israël. Pas parce qu'il serait éternel, mais parce qu'il existe, même s'il existe mal. Cette existence crée de facto le doit des juifs israéliens de vivre là-bas. Mais pas d'être raciste, et ségrégationniste : cet Etat n'a pas le droit d'exister comme ça.

D'un autre côté, je demande à tout le monde, aux pays arabes et aux Palestiniens de reconnaître l'Etat d'Israël. Mais seulement l'Etat des Israéliens, pas l'Etat des juifs !

Les tragédies d'hier ne vous donnent pas le droit d'opprimer un peuple aujourd'hui. Je crois que la Shoah, les pogroms, que tout ce qu'ont subi les juifs au XXe siècle nous donne droit à une exception : que l'Etat d'Israël demeure, et continue à offrir un refuge pour les juifs qui sont pourchassés à cause de leurs origines ou de leur foi. Mais dans le même temps, Israël doit devenir l'Etat de ses citoyens. Et pas celui d'Alain Finkielkraut, qui demeure toutefois le bienvenu s'il se sent menacé, bien sûr.

Dans la suite de la citation d'Arthur Koestler que vous proposez, celui-ci justifie l'existence de l'Etat d'Israël en ces termes : «Mais ce droit n'est pas fondé sur les origines hypothétiques des juifs ni sur l'alliance mythologique entre Abraham et Dieu ; il est fondé sur la législation internationale, et précisément sur la décision prise par les Nations unies en 1947.» – L'ensemble de la citation, ainsi que les quatre premières pages de ce chapitre, sont disponibles ici :
Extrait Shlomo Sand.pdf

Ce que vous dites, vous, c'est qu'en 1947, l'ONU s'est trompée ?

Pas exactement. Peut-être le partage des terres était-il injuste : il y avait 1,3 million de Palestiniens et 600.000 juifs, et pourtant on a fait moitié-moitié. Plus juste aurait été pour vous donner un exemple, et élargir nos horizons, de créer un Etat juif... aux Sudètes. En 1945, les Tchèques ont chassé 3 millions d'Allemands des Sudètes, qui sont restées «vides» quelques mois. Le plus juste aurait été de donner les Sudètes à tous les réfugiés juifs en Europe. Pourquoi aller ennuyer une population qui n'avait rien à voir avec la tragédie juive ? Les Palestiniens n'étaient pas coupables de ce que les Européens avaient fait. Si quelqu'un avait dû payer le prix de la tragédie, ça aurait dû être les Européens, et évidemment les Allemands. Mais pas les Palestiniens.

En outre, il faut bien voir qu'en 1947, ceux qui ont voté pour la création de l'Etat juif n'ont pas pensé que la définition pour y être accepté serait aussi exclusive, c'est-à-dire nécessairement avoir une mère juive. On était au lendemain de la Shoah, l'idée était simplement d'offrir un refuge.

Une «victoire» de Hitler?

Dans votre livre, vous posez la question suivante : « Les juifs seraient-ils unis et distingués par les "liens" de sang ?», avant d'en conclure que « Hitler, écrasé militairement en 1945, aurait en fin de compte remporté la victoire au plan conceptuel et mental dans l'Etat "juif" ? » Qu'avez-vous essayé de démontrer ?

Vous savez, la majorité des Israéliens croient que, génétiquement, ils sont de la même origine. C'est absolument incroyable. C'est une victoire de Hitler. Lui a cherché au niveau du sang. Nous, nous parlons de gènes. Mais c'est pareil. C'est un cauchemar pour moi de vivre dans une société qui se définit, du point de vue de l'identité nationale, sur des bases biologiques. Hitler a gagné dans le sens où c'est lui qui a insufflé la croyance que les juifs sont une race, un «peuple-race». Et trop de gens en Israël, trop de juifs, ici, à Paris, croient vraiment que les juifs sont un «peuple-race». Il n'y a donc pas seulement les antisémites, il y a aussi ces juifs qui eux-mêmes se considèrent comme une race à part.

Dans mon livre, une chose importante que j'ai essayé de montrer est que, du point de vue historique, je dis bien historique, car je ne m'occupe pas ici de religion, les juifs ne sont pas des juifs. Ce sont des Berbères, des Arabes, des Français, des Gaulois, etc. J'ai essayé de montrer que cette vision essentialiste, profonde, que les sionistes partagent avec les antisémites, cette pensée qu'il y a une origine spéciale pour les juifs, cette pensée est fausse. Il y a au contraire une richesse extraordinaire, une diversité d'origines fabuleuse. J'ai essayé de montrer ça avec des matériaux historiques. Sur ce point, la politique a nourri mes recherches, de même que la recherche a nourri ma position politique.

Un de vos chapitres évoque à ce propos l'énigme que constituent pour vous les juifs d'Europe de l'Est.

Au début du XXe siècle, 80% des juifs dans le monde résidaient en Europe de l'Est. D'où viennent-ils ? Comment expliquer cette présence massive de juifs croyants en Europe de l'Est ? On ne peut pas expliquer cela par l'émigration de Palestine, ni de Rome, ni même d'Allemagne. Les premiers signes de l'existence des juifs en Europe datent du XIIIe siècle. Et justement, un peu avant, au XIIe siècle, le grand royaume de Khazar (judaïsé entre le VIIIe et le IXe siècle) a complètement disparu. Avec les grandes conquêtes mongoles, il est probable qu'une grande partie de cette population judaïsée a dû s'exiler. C'est un début d'explication.

L'histoire officielle sioniste affirme qu'ils ont émigré d'Allemagne. Mais en Allemagne, au XIIIe siècle, il y avait très peu de juifs. Comment se fait-il alors que, dès le XVIIe siècle, un demi-million de juifs résident en Europe de l'Est ? À partir de travaux historiques et linguistiques, j'ai essayé de montrer que l'origine des juifs d'Europe de l'Est n'est pas seulement due à une poussée démographique, comme on le dit aussi. Leur origine est khazar mais aussi slave. Car ce royaume de Khazar a dominé beaucoup de peuples slaves, et, à certaines époques, a adopté le yiddish, qui était la langue de la bourgeoisie germanique qui a existé en Lituanie, en Pologne, etc.

On en revient à la thèse de base de mon livre, un élément que j'ai essayé de démontrer, avec succès je pense : c'est qu'entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C., le monothéisme juif était la première religion prosélyte. C'était quelque chose de parfaitement connu, notamment des spécialistes des religions de la fin du XIXe siècle, comme Ernest Renan.

À partir de la seconde partie du XXe siècle pourtant, on a tout «bloqué». On croit tout d'un coup que le judaïsme a toujours été une religion fermée, comme une secte qui repousserait le converti. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas juste du point de vue historique.

Le sionisme, un «mouvement national»

Zeev Sternhell, dans son livre célèbre Aux origines d'Israël, considère que le sionisme a évacué la dimension socialiste pour se résumer à une révolution nationale. Etes-vous d'accord avec lui ?

Le sionisme, c'est un mouvement national. Je ne dis pas que c'est bien, ou pas bien, car je ne suis pas anti-national. Ce n'est pas la nation qui a créé le sionisme, c'est l'inverse. Définir cela comme une révolution fonctionne du point de vue des individus, mais ne m'intéresse pas beaucoup. Parce que je me demande ce qu'est une révolution. De plus, parler de révolution nationale en France, c'est un peu compliqué car ces termes étaient employés en 1940 pour désigner un phénomène historique pas très sympathique.

Quant à opposer révolution nationale et révolution socialiste au sein du sionisme, je ne crois pas que cela soit juste. Dès le début, le socialisme était un instrument très important pour réaliser le but national. Donc, ce n'est pas quelque chose qui, soudain, n'aurait plus fonctionné. Dès le début, l'idée de communautarisme, l'idée des kibboutz, a servi à une colonisation. C'est-à-dire que, dès le début, l'égalité n'était pas entre tous les êtres humains, l'égalité était seulement entre les juifs, qui colonisent une terre.

L'idée nationale, dans la modernité, a toujours dû être liée à une autre idée. En l'occurrence, pour le XXe siècle, la démocratie ou le socialisme. Tout le monde s'est servi des idées égalitaristes socio-économiques pour bâtir une nation. Le sionisme n'est pas exceptionnel en cela. On peut citer l'exemple du FLN algérien et de beaucoup d'autres mouvements du tiers-monde.

Le sionisme est exceptionnel uniquement parce que, pour se réaliser, il doit coloniser une terre.

Ne me faites cependant pas dire que je suis antisioniste. Parce qu'aujourd'hui, quand quelqu'un se dit antisioniste, tout le monde pense qu'il est contre l'existence de l'Etat d'Israël. De ce point de vue, mon livre est certes radical dans la démarche historiographique, mais pas tellement dans son aspect politique, parce que j'exige la reconnaissance d'Israël par les Etats arabes. Mais, encore une fois, comme l'Etat des Israéliens, de tous les Israéliens.

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Message par Joss Ven 24 Mai 2013 - 19:01

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SHLOMO SAND Empty CONFÉRENCE AVEC SHLOMO SAND: «SI NETANYAHOU EST JUIF, ALORS

Message par Joss Mer 16 Avr 2014 - 21:30

CONFÉRENCE AVEC SHLOMO SAND: «SI NETANYAHOU EST JUIF, ALORS MOI JE SUIS BOUDDHISTE»

By Maurice on avr 16, 2014

Le jeudi 10 avril 2014, à l’Espace des Diversités et de la Laïcité à Toulouse, Shlomo Sand, historien et professeur à l’Université de Tel Aviv, a donné une conférence sur le thème « Judaïsme et sionisme, Israël et Palestine », organisée par les Amis du Monde Diplomatique.

Au cours de cette conférence plusieurs questions ont été abordées.

Quand le peuple juif fut-il créé ? Comment, à partir du XIXe siècle, le temps biblique a commencé à être considéré par les premiers sionistes comme le temps historique, celui de la naissance d’une nation ? Comment la terre d’Israël fut inventée ? Quel lien existe-t-il, depuis les origines du judaïsme, entre les juifs et la « terre d’Israël » ? La nation peut-elle simplement être composée de membres qui auraient une origine unique ? Le « peuple d’Israël » constitue t-il un peuple ou bien une importante communauté religieuse ? Les adeptes de la religion de Moïse ont-ils de tout temps aspiré à émigrer au Moyen-Orient ? Qu’en est-il des habitants non juifs de cette terre : ont-ils – ou non – le droit d’y vivre ? Sont-ils des Israéliens comme les autres, dotés des mêmes droits, ou simplement tolérés ? Comment tous les habitants de l’état d’Israël et de la Palestine peuvent-ils espérer sortir de cette situation ?

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