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Message par Souricet Lun 28 Mai 2007 - 19:44

«Solidarność » et le changement de système en Europe centrale et orientale

Il y a vingt cinq ans, le 31 août 1980, le syndicat «Solidarność » est né. Toute tentative de définir ce phénomène nous montre qu’il échappe aux classifications traditionnelles. Car «Solidarność » fut en même temps: une révolution, un grand mouvement social, une insurrection nationale et aussi - tout simplement - un syndicat. Mais un syndicat unique dans l’histoire du monde qui, au moment culminant, compta plus de 9,5 millions de membres, issus de toutes les couches et de tous les groupes sociaux, donc 1 /3 des 38 millions de la population de notre pays (sans compter les enfants et les personnes âgées). «Solidarność » devenait en Pologne le garant du renouveau dans de nombreux domaines de la vie du pays, garant des réformes économiques, de l’élimination de l’injustice, du refrènement de l’illégalité et des abus commis par l’appareil du pouvoir communiste, de la restitution de la vérité dans les médias et dans l’éducation, il devint un mouvement de revendication des droits civiques et des traditions nationales.
« Solidarność » fut un mouvement pacifiste qui renonçait par principe au recours à la violence dans la solution des conflits collectifs. Il menait son activité à l’échelle de tout le pays et de toute la nation faisant appel aux principes de solidarité sociale et aux valeurs morales dans la vie publique. Etant lui-même la négation des règles du régime communiste – il porta atteinte aux fondements du communisme en Pologne, et par la suite dans l’ensemble du bloc soviétique.
« La lumière de ‘Solidarność’ jetait l’éclat sur nous tous » — constatèrent déjà en 1981 les analystes français du mouvement.
En août 2003, le texte original des 21 Revendications de Gdańsk d’août 1980 ainsi que la collection d’archives, fondée au Centre KARTA à Varsovie, «Solidarność » — naissance d’un mouvement (documents originaux d’août 1980 à décembre 1981) furent inscrits sur la liste de l’UNESCO des plus importantes collections d’archives existant dans le monde, au Registre international «Mémoire du Monde ».
Aujourd’hui, «Solidarność » est un syndicat qui intervient au nom de ses membres pour défendre leurs droits économiques et leurs droits de travailleurs.
La Pologne est un Etat démocratique qui le 1 mai 2004, à côté des six autres Etats post-communistes, devint membre de l’Union européenne, en changeant d’abord - le 1 janvier 1990 – le nom de République populaire de Pologne en République de Pologne.
La naissance de «Solidarność » fut précédée par une longue histoire de la résistance de la société polonaise au système communiste, régime imposé à la Pologne et aux autres pays de l’Europe centrale et orientale après la Seconde guerre mondiale.

Après Yalta

En février 1945, les dirigeants de la coalition antihitlérienne — le Premier ministre de la Grande-Bretagne, Winston J. Churchill, le Président des Etats-Unis, Franklin D. Roosevelt, et le dictateur de l’URSS, le généralissime Joseph Staline se sont rencontrés à Yalta en Crimée pour établir, vers la fin de la guerre, les zones d’influence en Europe. Au moment du déplacement des frontières de la Pologne et de la prise de décision sur son sort après la guerre, personne ne demanda l’avis des Polonais qui luttaient au côté des alliés sur tous les fronts (déjà en septembre 1939, la Pologne fut victime de deux agresseurs - du IIIe Reich et de l’URSS).
A Yalta, on priva les nations de l’Europe centrale et orientale – pour presque un demi-siècle – de liberté et de chance pour la démocratie, reconnaissant leur appartenance au bloc soviétique.
Le pouvoir communiste, instauré en Pologne par la force des chars soviétiques, et ensuite «légitimé » par un référendum truqué en 1946 et lors des élections en 1947, introduisit pour de longues années le régime stalinien avec sa terreur et ses mensonges. Pendant les quelques années d’après-guerre, la résistance indépendantiste fut éliminée, des milliers «d’ennemis du peuple » furent condamnés à mort ou à une prison de plusieurs années ; chaque manifestation d’indépendance fut étouffée. La société fut partagée, terrorisée et presque pacifiée.
Après la mort de Staline (en 1953), la Pologne connut l’affaissement du régime L’année 1956 apporta «le déluge d’octobre » (entre autres ce qui fut inconnu dans les autres pays du bloc soviétique : l’indépendance de l’Eglise catholique, une certaine autonomie des milieux de l’intelligentsia et des milieux créateurs, et à la campagne le maintien des exploitations agricoles individuelles). Mais il laissa vive la mémoire de Juin de Poznań lorsque la grève des ouvriers, déclenchée pour revendiquer «du pain et de la liberté », se transforma en émeutes dans les rues pendant lesquelles les deux parties du conflit se servirent des armes. (On estime qu’à Poznań au moins 63 personnes civiles et 20 soldats et membres des services de sécurité trouvèrent la mort, quelques centaines furent blessées, près de 700 arrêtées, et quelques dizaines condamnées.) « Le déluge » officiel s’était avéré très superficiel mais le cours de vie social, indépendant du pouvoir, poursuivait son existence et commençait à gagner du terrain.
La suivante révolte publique (cette fois-ci de «l’intelligentsia ») eut lieu en 1968 lorsque le gouvernement étouffa brutalement le mouvement démocratique des étudiants et mena en même temps une officielle campagne antisémite (près de 20 mille Juifs ou personnes d’origine juive quittèrent alors la Pologne subissant diverses pressions). Ces événements ont contribué cependant à la création en Pologne de la «génération’68 », active dans les années futures au sein de l’opposition contre le régime.
Dans les autres pays de la région, le désir de changer d’appartenance politique se manifestait aussi par des révoltes et par des contestations massives qui échouaient malheureusement à cause de l’intervention des forces armées soviétiques – Berlin - juin 1953, Budapest - novembre 1956, Tchécoslovaquie - août 1968. La participation, pendant l’intervention des forces du Pacte de Varsovie, des détachements polonais à la pacification de la révolution de Dubcek en 1968 resta un élément douloureux pour les relations polono-tchèco-slovaques.

L’Année 1970

Le 12 décembre 1970, les autorités polonaises annoncèrent une hausse des prix des produits alimentaires de base. Le lendemain, les Chantiers navals de Gdańsk se mirent en grève, ensuite les autres entreprises de la ville. Le manque de réaction de la part du pouvoir provoqua, le 15 décembre, une manifestation de quelques milliers de personnes dans les rues de Gdańsk. Les manifestants mirent feu au siège du Comité de voivodie du POUP. Le Ier secrétaire du POUP, Władysław Gomułka, donna l’ordre à la milice d’utiliser les armes et de faire entrer dans la ville les forces armées. L’armée et la milice tirèrent non seulement sur la foule révoltée mais aussi sur des passants qui par hasard se trouvaient sur la ligne du tir. Le 16 décembre, l’armée ouvrit le feu sur les personnes qui sortaient du portail numéro 2 des Chantiers navals de Gdańsk, le 17 décembre matin - sur les ouvriers qui se rendaient au travail aux Chantiers navals de Gdynia, le 18 décembre - à Elbląg et Szczecin... D’après les données officielles, sur le Littoral polonais 45 personnes furent tuées, 1165 blessées, près de 3 mille arrêtées.
Le nombre réel de victimes reste inconnu : les funérailles se déroulaient en cachette, les tombes disparaissaient, les familles étaient terrorisées. Les autorités voulaient à tout prix dissimuler le crime mais il laissa des traces durables dans la mémoire ; la ballade, très bien connue à l’époque, bien que diffusée en cachette, disait : « c’est le parti qui tire sur les ouvriers... ». Le parti par son nom «ouvrier ». Après les «événements de décembre », les autorités de l’Etat et du parti changèrent. Edward Gierek devint Ier secrétaire du POUP.
Ce fut cependant un trauma pour les deux parties. La mémoire des morts devint un point de repère à tous les moments d’affrontements futurs entre la société et le pouvoir. Qu’il n’ait pas eu de recours à la force en août 1980, c’est à cette mémoire que cela est dû.

Une opposition au grand jour

En juin 1976, le pouvoir essaya à nouveau d’introduire de très fortes hausses de prix (en moyenne de 70%). Cela provoqua des grèves dans plusieurs villes. Des manifestations particulièrement violentes eurent lieu dans les établissements de Radom et de Ursus. Elles furent brutalement étouffées par des unités spéciales mécanisées de la milice (ZOMO). Beaucoup de personnes (souvent accidentelles) furent arrêtées — malmenées dans les prisons (entre autres lors des «sentiers de santé » – les arrêtés étaient obligés de courir entre deux rangs de miliciens armés de matraques), ensuite jugées et condamnées à prison, à des amendes très élevées ou licenciées sans possibilité de trouver un autre emploi. Les représentants des milieux oppositionnels de l’intelligentsia qui avaient organisé simultanément une action de contestation, portaient aide juridique et financière aux opprimés.
Le 23 septembre, quatorze membres de l’opposition lancèrent un Appel à la société et aux autorités de la RPP, appel qui devint une déclaration fondatrice du Comité de défense des ouvriers (KOR) (après un an transformé en Comité d’autodéfense sociale «KOR » - KSS «KOR »). Dans cet appel furent lancées des paroles clés pour l’avenir : « Les victimes des représailles actuelles ne peuvent compter sur aucune aide ni défense des institutions crées à cet effet par exemple des syndicats dont le rôle est pitoyable. Les agences d’assistance sociale refusent aussi leur aide. Dans une telle situation, c’est la société qui doit se charger de ce rôle, la société dans l’intérêt de laquelle les opprimés ont manifesté. La société n’a pas d’autres méthodes de défense contre l’illégalité que la solidarité et l’aide réciproque ».
KOR fut le premier groupe de l’opposition démocratique qui, bien que toujours illégal, mena son activité au grand jour pour défendre les droits de l’homme (la liste de ses membres avec adresses et téléphones fut publique). Il commença à publier ses propres bulletins. Grâce aux contacts avec les journalistes étrangers et l’émigration (aussi par l’intermédiaire de la Radio Europe Libre), il transmettait des informations sur son activité à un public très vaste. Les milieux de KOR donnèrent naissance à beaucoup d’initiatives oppositionnelles en rassemblant des centaines de personnes. Un réseau d’éditions clandestines se développa en dehors du contrôle de la censure – de plus en plus de journaux et de revues, et par la suite aussi de livres furent publiés. La Société des cours scientifiques menait aussi son activité d’auto-formation. KOR inspira la création de comités fondateurs des Syndicats libres à Katowice et sur le Littoral, ainsi que des Comités d’étudiants de «Solidarność ».
KOR fut l’un des mouvements de l’opposition qui se référait aux résultats de la Conférence d’Helsinki pendant laquelle l’Union soviétique s’engagea à respecter les droits de l’homme. En mai 1976, le dissident russe Andrei Sakharov créa le Groupe moscovite d’Helsinki, en juillet 1976, KOR entama son activité et en janvier 1977, en Tchécoslovaquie, fut publiée la Charte 77.
De temps en temps, ils réussissaient à avoir des rencontres comme celle, organisée en été 1978 r., à la frontière polono-tchécoslovaque, des plus importants militants du KSS « KOR » et de la Charte 77 (entre autres de Jacek Kuron et de Vaclav Havel). En Pologne, aussi virent le jour en 1977, d’abord le Mouvement de défense des droits de l’homme et du citoyen (ROPCiO), et ensuite d’autres groupes d’opposition qui représentaient souvent des options idéologiques différentes.
On estime que, vers la fin des années soixante-dix, le nombre de personnes engagées dans l’activité oppositionnelle était de près de 500 personnes actives et, en plus, plus de 1000 personnes qui s’y associaient occasionnellement. Mais la littérature indépendante, imprimée en clandestinité, qui se répandait de plus en plus, parvenait à des milliers de personnes et influait sur le changement de l’attitude de nombreux milieux à l’égard du régime.
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Souricet
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Message par Souricet Lun 28 Mai 2007 - 19:45

Le Pape Polonais

L’élection du cardinal Karol Wojtyła comme pape, et ensuite la visite de Jean-Paul II en Pologne en juin 1979 – avaient fait de la société polonaise atomisée, se débattant avec ses problèmes quotidiens, une société qui tout à coup sentit qu’elle formait une communauté et, plus encore, une communauté de millions. Cette société découvrit en elle-même la force spirituelle, l’expérience commune de sa propre identité, elle sentit la liberté que donne la libre expression de la volonté collective. Pendant les messes célébrées par le Pape, pour la première fois, une foule tranquille, disciplinée se rassemblait bien qu’en proie à de vives émotions – en quelque sorte contre les autorités de l’Etat dont l’idéologie lui était complètement étrangère.
La visite du Pape fit comprendre aussi bien à la société qu’au pouvoir communiste que dès lors les Polonais avaient un point d’appui en dehors des structures du régime imposé, et les paroles exprimées par le Pape le 2 juin sur la Place de la Victoire à Varsovie: « Que vienne Ton Esprit ! Et renouvelle la face de la terre. De cette terre » – se sont avérées prophétiques.

Une vague de grèves

Le pays se plongea cependant dans un chaos économique. Les hausses de prix camouflées, l’inflation de plus en plus grande, amenèrent au début de 1980 à un manque sur le marché de presque tous les produits. La tension sociale croissait de mois en mois. La hausse des prix de viande, le 1 juillet 1980, dans les cantines et dans les buffets des entreprises, fut l’étincelle qui enflamma un tonneau de poudre.
La plus importante fut la grève générale de juillet à Lublin qui embrassa 150 entreprises avec 50 mille personnes, le transport en commun, les chemins de fer. Le gouvernement commença à négocier et signa le 11 juillet un accord avec les comités de grève appelés «d’arrêt » (pour ne pas utiliser le mot qui sonnait dangereusement grève). En plus des concessions de nature sociale, il garantit aux grévistes la sécurité et s’engagea à procéder aux nouvelles élections aux conseils d’entreprise. Pour la première fois dans l’histoire d’après-guerre, un accord fut signé entre le pouvoir et les ouvriers en grève.
Les autorités s’efforçaient de maîtriser la situation dans l’immédiat en renonçant à l’introduction de nouveaux prix et en promettant des hausses minimes. Telles étaient aussi, au début «locales », les ambitions de la grève à Gdańsk bien que les concessions politiques faites à Lublin donnassent de l’espoir pour de nouvelles actions dans la lutte oppositionnelle.
La grève aux Chantiers navals Lénine de Gdańsk fut déclenchée le 14 août 1980 pour défendre Anna Walentynowicz, une ouvrière licenciée, co-organisateur du Syndicat libre (WZZ) créé en 1977. La grève fut lancée par Bogdan Borusewicz du KOR et du WZZ avec trois jeunes ouvriers du chantier ainsi qu’avec un militant gréviste de 1970 et membre du WZZ illégal, lui aussi licencié — Lech Wałęsa. Le lendemain, les grèves s’étendirent aux autres chantiers, aux ports et aux autres entreprises de la ville.
Le 16 août, le compromis fut atteint aussi au sujet de la hausse des prix et du supplément pour les travailleurs des chantiers en raison de cette hausse – la majorité des membres du comité de grève, ayant constaté que leur objectif fut atteint, demanda aux ouvriers de quitter le terrain du chantier. Un moment les séparait de la fin de la grève sans concessions à caractère plus général, politique, qui donneraient des garanties aux autres entreprises en grève. Sous la pression des représentants des plus petites entreprises qui étaient venus au chantier pour soutenir les grévistes, la décision fut prise de rester et de continuer une grève de solidarité.

Une grève au nom de tous

La nuit du 16 au 17 août, il ne resta dans le grand chantier naval que près de mille grévistes. Ils pouvaient devenir un objet facile de pacification mais les autorités ne se sont pas décidées à résoudre le problème par force — plus tard ce serait déjà beaucoup plus difficile.
Au cours de cette nuit, le Comité de grève inter-entreprises (MKS) se constitua. Il formula la liste des 21 revendications, et parmi elles sept politiques. La plus importante fut la première – la création d’un syndicat indépendant du parti, et en outre – la garantie du droit à la grève, le respect de la liberté de la parole, la libération des prisonniers politiques et des démarches qui permettraient au pays de sortir de la crise. Les 21 revendications de Gdańsk sont devenues pendant quelques jours le décalogue du pays révolté, en grève.
Le 18 août, la grève générale commença à Szczecin. Là-bas aussi on forma un Comité de grève inter-entreprises qui présenta de semblables revendications.
Chaque jour de nouvelles entreprises s’associaient au MKS de Gdańsk. Le 21 août, leur nombre atteignit 350. Vers la fin d’août, la vague de grèves embrassa la Haute Silésie. A la fin d’août, plus de 700 mille personnes de 700 entreprises dans plus de la moitié des 49 voivodies furent en grève.
Aux Chantiers navals de Gdansk – outre les nombreuses personnes qui soutenaient cette contestation (journalistes ou artistes – venus aussi de l’étranger) arrivaient les intellectuels de l’opposition, issus principalement de la Société indépendante des cours scientifiques pour créer une commission d’experts, et parmi eux Tadeusz Mazowiecki et Bronislaw Geremek.
Le sentiment de force et de communauté ne cessait de croître. Jamais encore en Pologne d’après-guerre, les manifestations n’avaient atteint une telle envergure ni, ce qui est plus important encore, une telle solidarité. Les grévistes étaient tout le temps accompagnés par la foule qui se rassemblait devant le chantier – devenant ainsi un garant supplémentaire de leur sécurité. Les gens allaient devant le chantier comme ils le faisaient, il y a un an, pour rencontrer le Pape – manifestant leur appartenance à la communauté.
Inspiré par cette unité collective, le plasticien Jerzy Janiszewski fit le projet de l’emblème de «Solidarność », reconnu avec le temps dans le monde entier: « L’idée partait de la similitude suivante: comme les hommes dans une foule serrée où l’un soutient solidairement l’autre [...], les lettres de ce mot devraient soutenir l’une l’autre. J’ai encore ajouté le drapeau car je me rendais compte que la cause ne concernait plus uniquement notre milieu mais qu’elle était devenue universelle ».
Le 23 août, aux Chantiers navals de Gdańsk, les ouvriers et les représentants des autorités se trouvèrent face à face. Pour les représentants du gouvernement, ces entretiens furent un choc. Voilà que les ouvriers, traités comme objets par le «pouvoir ouvrier » communiste, sont devenus leurs adversaires.
Face à la menace de l’extension de la grève, les autorités ont décidé d’accepter les revendications: le 30 août les accords furent signés à Szczecin, le 31 août à Gdańsk et trois jours plus tard avec les mineurs de Jastrzębie. L’accord de Gdańsk était fondamental vu l’importance des concertations et le rôle futur du centre de Gdańsk.
Lech Wałęsa, au moment du succès, le 31 août 1980, dit : « Avons-nous atteint tout ce que nous voulions, tout ce que nous désirons, et ce à quoi nous rêvons ? Non, pas tout mais nous savons tous que nous avons obtenu beaucoup. Le reste, nous l’obtiendrons aussi car nous avons la chose la plus importante : notre syndicat indépendant, autogéré ».
Ce fut la première brèche institutionnelle ouverte dans le bloc communiste. Le système qui semblait inébranlable fut mis en cause. L’échelle de la contestation surprit les autorités en Pologne et le Kremlin – les communistes de Moscou ne se sont pas décidés à intervenir militairement en Pologne, considérant qu’une telle action serait trop risquée. Il s’est avéré combien forte est la solidarité sociale.

Un syndicat national

Dès le début de septembre 1980, dans tout le pays, les MKS respectifs se sont transformés en Comités inter-entreprises fondateurs des syndicats libres. Par la suite, on créa des comités (malgré le pouvoir qui voulait bloquer ce processus) aussi là où les accords n’étaient pas signés. Les accords d’août sont devenus, à partir de 11 septembre, le fondement pour la création de nouveaux syndicats dans l’ensemble du pays.
Le 17 septembre, à Gdańsk, au congrès des représentants de plus de 20 Comités inter-entreprises, la décision fut prise de fonder une organisation unique à portée nationale – le Syndicat indépendant et autogéré (NSZZ) «Solidarność » , et le nombre déclaré d’adhérents était déjà à l’époque 3 millions de personnes. Dans ses rangs se sont trouvés les ouvriers et les employés - des personnes de presque toutes les professions ; ensuite le mouvement - bien que sous forme organisationnelle distincte - embrassa aussi d’autres groupes sociaux: étudiants, agriculteurs.
La Commission nationale d’entente fut constituée sous la présidence de Lech Wałęsa et en sont devenus membres entre autres : Andrzej Gwiazda, Marian Jurczyk, Bogdan Lis, Andrzej Słowik, Zbigniew Bujak, Patrycjusz Kosmowski, Antoni Kopaczewski i Andrzej Rozpłochowski.
La première période de l’activité légale de «Solidarność » fut appelée «carnaval de liberté ». Le monopole de la propagande du pouvoir fut sapé efficacement par les centaines de bulletins syndicaux, diffusés dans toutes les régions, par les agences d’information du Syndicat et par l’hebdomadaire «Tygodnik Solidarność » publié officiellement en 1981 à un tirage de 500 mille exemplaires. Tadeusz Mazowiecki en fut le rédacteur en chef. Seule la télévision resta le dernier «fronton » de la propagande du pouvoir.
Mais cette organisation ou réorganisation de la vie sociale et cette «fête » furent accompagnées par des tensions politiques croissantes et par des difficultés économiques de plus en plus grandes, surtout celles d’approvisionnement. Après la période spontanée de constitution et d’enregistrement du Syndicat, après les tensions liées aux tentatives de manipuler son statut, vint une crise violente dans les rapports entre la société et le pouvoir qui bloquait les changements démocratiques. De nombreuses grèves éclataient à portée parfois locale ou plus étendue, même nationale, provoquées par le non respect des accords d’août, par le manque d’autorisation pour l’enregistrement du Syndicat des Agriculteurs «Solidarność » ou de l’Union indépendante des Etudiants.
Les sentiments sociaux devenaient de plus en plus radicaux. Le pouvoir ne cessait de provoquer de nouveaux conflits. L’une des plus graves provocations eut lieu à Bydgoszcz où, en mars 1981, les militants syndicalistes, dont entre autres Jan Rulewski, furent sérieusement malmenés par la milice. Prenant leur défense, le Syndicat tout entier organisa solidairement une grève d’avertissement de quatre heures et au fait tout le pays fut immobilisé – ce fut une manifestation de la grande force de «Solidarność ». Le pays se trouva au bord de la grève générale que tous craignaient vu la probabilité de l’intervention militaire soviétique. Le compromis atteint à l’époque avec le pouvoir (et la révocation de la grève) diminua la force de pression sur le pouvoir – aussi bien celle du Syndicat « Solidarność » que de la société qui le soutenait.

Un Appel aux travailleurs de l’Europe de l’Est

Le Ier Congrès du NSZZ «Solidarność » fut convoqué en septembre 1981 - il fut précédé par les premières élections démocratiques des délégués en Pologne d’après-guerre. L’Appel aux travailleurs de l’Europe de l’Est devint l’un des plus importants documents de ce Congrès :
« Les délégués rassemblés à Gdańsk au Ier Congrès de „S” transmettent aux ouvriers d’Albanie, de Bulgarie, de Tchécoslovaquie, de RDA, de Roumanie, de Hongrie et à toutes les nations de l’Union soviétique leurs salutations et leur soutien. En tant que premier syndicat indépendant dans notre histoire d’après-guerre – nous sentons profondément la communauté de notre destin. Nous vous assurons que malgré les mensonges propagés dans vos pays, nous sommes une authentique organisation rassemblant 10 millions de travailleurs, née à l’issue des grèves ouvrières. Notre objectif est de lutter pour améliorer l’existence de tous les travailleurs. Nous soutenons ceux d’entre vous qui ont décidé d’emprunter la difficile voie de la lutte pour des syndicats libres [...]. »
Ce document éveilla des controverses en tant que «non politique », appelant à la révolte dans l’ensemble du bloc communiste et par cela «dangereux ». Mais cet Appel devint surtout un geste symbolique d’ouverture aux autres nations de la zone d’influence soviétique, «de la volonté de partager » la liberté conquise, une annonce de la voie commune. Au Kremlin, ce document éveilla une véritable fureur — Leonid Brejnev téléphona au Ier secrétaire du POUP, Stanisław Kania, et, vu l’Appel, il exigea l’introduction en Pologne de l’état de siège. Dans les grands établissements de travail soviétiques, les «collectifs ouvriers » organisèrent des manifestations orageuses et condamnèrent dans leurs résolutions « Solidarność ».
Tout au long de ce carnaval de «Solidarność » qui dura 16 mois, les partis communistes dans les «pays frères » se protégeaient contre son influence, en y voyant une menace mortelle pour leur pouvoir. Les communistes allemands, craignant que la peste de «Solidarność » ne se propage, fermèrent, déjà en octobre 1980, par décision unilatérale, la frontière avec la Pologne, ouverte jusqu’alors pour une circulation sans visas.
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Souricet
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Message par Souricet Lun 28 Mai 2007 - 19:45

La contre-révolution — le pouvoir contre la société

La création d’une grande organisation sociale indépendante, telle que « Solidarność », fut tout à fait contraire à la nature même du régime communiste. Les tendances à restituer le monopole du pouvoir dominaient au sein de la direction du POUP qui subissait des pressions des autres régimes des pays communistes voisins et craignait la menace de l’intervention soviétique.
Les plans d’affaiblir ou de diviser «Solidarność » se sont avérés dans les années 1980–81 peu réalistes. Ils avaient donc comme alternative la préparation de l’état de siège ce que l’on faisait en secret presque dès le jour de la signature des Accords d’août, à partir de septembre 1980.
Déjà au cours de la grève, en août 1980, l’état-major du Ministère des Affaires intérieures élabora un plan de pacification des Chantiers navals. Mais la direction du parti voulut éviter l’effusion de sang – la mémoire des événements de Décembre 70 restait toujours vive.
Une commission soviétique spéciale pour les affaires de la Pologne, dite Commission de Souslov, préparait aussi un plan d’intervention militaire - le 29 août quatre divisions devaient être prêtes à agir. Engagés dans la guerre en Afghanistan, incertains de l’attitude de l’armée polonaise, mais sûrs de la détermination de la résistance de la société polonaise et de la condamnation de l’Occident, les dirigeants soviétiques ne se sont pas décidés à ouvrir un «deuxième front ».
D’autre part, le 8 décembre 1980, les forces armées du Pacte de Varsovie étaient prêtes à intervenir en Pologne — 18 divisions de l’URSS, de la RDA et de la Tchécoslovaquie se trouvaient à la frontière. La décision de renoncer à cette action fut prise à la dernière minute, considérant que le moment n’était pas propice pour procéder à une attaque (entre autres après la mise en garde univoque du président des Etats-Unis, Jimmy Carter). Plus tard, les Soviétiques menaçaient souvent d’intervenir. On le craignait en Pologne et cette menace devenait souvent un argument contre la radicalisation des revendications par le Syndicat. (D’où la définition du phénomène: « une révolution auto-restrictive »).
Au cours de l’année 1981, les Soviétiques constataient de plus en plus clairement qu’ils ne voulaient pas intervenir en Pologne, que l’ordre devait être instauré par les camarades polonais eux-mêmes.
Les communistes polonais ne pouvaient pas savoir que le 10 décembre 1981, trois jours avant l’instauration de l’état de siège, pendant la session du Bureau politique du PCUS, Youri Andropov avait dit : « Nous n’envisageons pas d’intervention militaire en Pologne. C’est une position juste et nous devrions nous en tenir jusqu’à la fin. Je ne sais pas comment le problème sera tranché mais même si la Pologne se trouve sous le pouvoir de «Solidarność», ce ne sera qu’une chose. [...] Nous devons prendre soin de notre pays ».
L’Union soviétique admettant l’existence de la Pologne de «Solidarność » perdait la force de puissance globale. Mais en Pologne ni la société ni le pouvoir agissant au nom de cette puissance ne le savaient pas.

L’état de siège

Le 13 décembre 1981, le général Wojciech Jaruzelski, qui se trouvait à la tête du pouvoir, décréta en Pologne l’état de siège. Des blindés de transport, l’armée et les ZOMO (unités spéciales mécanisées de la Milice) sortirent dans les rues, toutes les liaisons téléphoniques furent coupées. La structure de l’Etat fut militarisée. Entre autres, l’activité de toutes les organisations, associations et syndicats fut suspendue, un dispositif de justice sommaire introduit, le couvre-feu instauré.
La première nuit du 12 au 13 décembre, la majorité des dirigeants de «Solidarność », les militants des entreprises reconnues comme particulièrement importantes, les intellectuels qui soutenaient le mouvement, furent internés (officiellement plus de cinq mille personnes furent arrêtées, mais avec le temps leur nombre devint plus important; en décembre 1982 – malgré les libérations – on nota plus de 10 mille internés).
« Solidarność » se laissa surprendre- le syndicat ne se préparait pas à une résistance physique, armée; il fut perplexe face aux forces militaires utilisées par l’Etat.
Et pourtant, dès les premiers moments de l’état de siège, la résistance naissait, résistance qui d’abord prit une forme de grèves d’occupation. Mais les forces unies de la milice et de l’armée pacifiaient brutalement les entreprises successives en grève. En Silésie, la milice tira contre les mineurs qui défendaient la mine de charbon «Wujek » à Katowice (il y avait 3 mille grévistes) – neuf morts telles furent les premières victimes mortelles de «l’instauration militaire de l’ordre ». (Au total, 115 morts - victimes directes de l’état du siège)
Organisées plus tard dans les rues, les manifestations contre l’état de siège rencontraient la même réponse brutale — dispersées par la milice qui utilisait les gaz lacrymogènes, des canons à eau, des matraques.
Le décret sur l’état de siège permit d’introduire des règles juridiques qui servaient de base pour arrêter et condamner des milliers de personnes. Durant l’état de siège formel – jusqu’à 22 juin 1983, presque 12 mille personnes furent condamnées. Les arrestations se poursuivaient toujours jusqu’à l’automne 1986.
Bien que délégitimé, le syndicat continua pendant sept ans son activité clandestine.
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Souricet
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Message par Souricet Lun 28 Mai 2007 - 19:45

La liberté en clandestinité

Au début de l’état de siège, vu l’impossibilité totale de communiquer (entre autres les liaisons téléphoniques coupées, l’interdiction de quitter les villes sans laissez-passer spéciaux, la fermeture de toutes les rédactions de journaux sauf deux de propagande du parti), «la parole libre » devint une marchandise des plus recherchées - presque partout d’abord des réseaux de collecte et de transfert des informations furent organisés. C’était le noyau de la «société clandestine » — comme l’a défini l’un des dirigeants de « Solidarnośc » renaissante.
Déjà en avril 1982, la Commission provisoire de coordination – direction nationale de «Solidarność » se constitua. Elle se composait de dirigeants des régions les plus grandes et les mieux organisées en clandestinité, de ceux qui réussirent à éviter l’internement et l’arrestation — Władysław Frasyniuk, Zbigniew Bujak, Władysław Hardek et Bogdan Lis. Ils avaient pour objectif de mener des actions visant la levée de l’état de siège, la libération de tous les internés et arrêtés ainsi que la restitution en droit de NSZZ « Solidarność ».
L’un de leurs plus grands objectifs à cette époque fut la préparation à la confrontation avec le pouvoir le 31 août 1982, date du deuxième anniversaire de la signature des Accords de Gdańsk (des rumeurs commencèrent à circuler que «Solidarność » s’armait). Dans 66 localités de Pologne, on organisa des manifestations auxquelles prirent part quelques dizaines de milliers de personnes. Dans de nombreuses villes, des confrontations eurent lieu, des centaines de personnes furent blessées, à Lubin la milice utilisa des munitions de tir réel — cinq personnes furent tuées. Ce fut la preuve d’une part de l’intransigeance du pouvoir communiste et de l’autre - de la détermination de la société dans sa lutte contre ce pouvoir et en somme le manque de perspectives pour un rapide changement de situation. Les structures de «Solidarność » devenaient de plus en plus certaines qu’il fallait se préparer à une «longue marche ».
« Solidarność » clandestin, ce ne fut pas seulement une activité à caractère politique, mais aussi une culture et une éducation indépendantes, et surtout un réseau des éditions clandestines, indépendant du pouvoir, car créé en dehors du contrôle de la censure. Il se développa à une échelle jamais et nulle part encore connue malgré les arrestations et les condamnations non seulement des éditeurs, des imprimeurs mais aussi des colporteurs des «samizdats ». Le plus important journal clandestin, publié pendant l’état de siège, l’hebdomadaire «Tygodnik Mazowsze », atteignait un tirage de 80 mille exemplaires. Durant la période de l’opposition organisée, dans les années 1976–90 (jusqu’au moment de l’abolition de la censure), mais principalement après l’instauration de l’état de siège, le 13 décembre 1981, en Pologne virent le jour près de 5000 titres de tracts, de bulletins, de journaux et de revues publiés en clandestinité et près de 7000 titres de livres et de brochures. On estime que près de 100 mille personnes avaient un contact permanent avec ces publications, et un contact sporadique — de 200 à 250 mille.
Pendant toutes ces années, des expositions, des conférences, des concerts et même des spectacles de théâtres indépendants furent organisés d’habitude dans les salles près des églises, mais aussi dans des appartements privés. Cette activité était dans une certaine mesure coordonnée et financée par divers comités sociaux, et par la suite, par «le ministère clandestin de l’intelligentsia » — OKNo (éducation, culture, science), créé en 1983.

L’aide de l’Occident

De l’importance de la Pologne du temps de «Solidarność », considérée comme une île de liberté dans le bloc soviétique, témoigne la réaction du monde au moment de l’instauration de l’état de siège. La solidarité internationale des pays démocratiques avec la Pologne dépourvue de liberté surmontait les frontières établies par les communistes.
La France, l’Allemagne, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Autriche, les Etats-Unis et beaucoup d’autres pays réagirent à l’état de siège et aux représailles contre «Solidarność » en offrant à la société polonaise un soutien moral et matériel à une échelle jusqu’alors inconnue. Tout de suite après l’instauration de l’état de siège, les syndicats en France et dans les autres pays organisèrent des collectes publiques d’argent et l’envoi de colis. Plus tard, à cette aide s’associèrent - la Confédération internationale des syndicats libres et la Confédération mondiale du Travail.
L’Occident envoyait en Pologne des transports avec l’aide humanitaire (nourriture et médicaments) – parfois énormes, composés de quelques dizaines de gros poids lourd. L’aide technique pour l’opposition polonaise fut aussi trafiquée – encre d’imprimerie, matrices, photocopieurs, reproductrices, et même des machines d’imprimerie.
Pour les dirigeants communistes en Pologne, cette énorme aide octroyée à «Solidarność » fut en même temps une preuve que leurs actions n’auraient pas de soutien international. Ce fut au fait l’annonce de leur isolement presque total par l’Occident.

La dernière attaque du système

Les fonctionnaires communistes polonais attaquèrent la société polonaise au nom de l’empire – de l’URSS. Ils n’avaient pas gagné, cette attaque, bien que militairement réussie, signifiait la défaite définitive — sociale et économique — du système. Les années successives de «l’état de siège » (1981–1988), qui paralysait la Pologne, n’avaient pas redonné au pouvoir l’efficacité d’action. La mémoire des 10 millions de membres de «Solidarność » freinait aussi ses actions répressives.
L’expérience avec «Solidarność » fut certainement pour Moscou une impulsion pour la politique de la Perestroïka, d’après laquelle il ne fut plus possible de diriger les nations recourant uniquement aux méthodes de la terreur. Le cours dur envers les adversaires du système, de plus en plus nombreux aussi bien en URSS que dans les autres pays du bloc soviétique, ne parvenait pas à changer l’état désastreux de l’économie, et détériorait en même temps la situation internationale. On commença à chercher d’autres solutions.
En 1985, avec l’arrivée au pouvoir à Kremlin de Mikhaïl Gorbatchev, apparut le mot d’ordre de transformation du système. L’empire soviétique, plongé dans une crise profonde, devait être sauvé par la politique des réformes économiques et par une certaine libéralisation. Mais la Perestroïka n’a pas donné les effets escomptés — en 1988 l’empire commença à s’effondre, les républiques baltes menaient déjà une lutte ouverte pour l’indépendance. Les dirigeants des Etats «frères » commençaient à perdre le soutien de l’Union soviétique pour leurs luttes internes contre leurs sociétés.

Le retour de «Solidarność »

Le premier signe des changements en Pologne dans les rapports pouvoir-opposition, ce fut la libération de tous les prisonniers politiques à la mi-septembre 1986. En réponse, Lech Wałęsa et un groupe d’intellectuels adressèrent au président des Etats-Unis un appel demandant la levée des sanctions économiques imposées à la RPP (octobre 1986). Ce fut le premier signe que l’opposition était disposée à négocier avec le pouvoir.
Le 29 septembre 1986, vit le jour le Conseil provisoire de «Solidarność » qui avec Lech Wałęsa à sa tête mena son activité au grand jour en tant que direction du Syndicat qui restait toujours illégal. D’autres structures du syndicat clandestin «Solidarność » se manifestèrent dans diverses régions. Le processus de la relégalisation de «Solidarność », lent, très difficile et éveillant beaucoup de controverses parmi ses militants mêmes, commença.
En 1988, la vague de grèves revint soudain. D’abord, en mai, les grèves non seulement n’embrassèrent pas un grand nombre d’entreprises, mais elles furent, malgré les tendances de conciliation, vite et brutalement pacifiées (à Nowa Huta on malmena quelques dizaines de personnes, on arrêta le Comité de grève). En août, elles embrassèrent cependant les mines en Silésie, les Chantiers navals de Gdańsk et beaucoup d’entreprises dans plusieurs voivodies. Cela avait l’air d’une répétition d’août 80.
Les autorités ont exprimé leur disposition à négocier — le 31 août une rencontre avec Wałęsa eut lieu. Commença la préparation des entretiens généraux entre le gouvernement et l’opposition à la «table ronde ».

Le changement négocié du système

Les débats de la Table Ronde polonaise duraient à partir du 6 février au 5 avril 1989. Y prirent part 230 représentants de l’opposition, principalement issus des milieux de «Solidarność », convoqués par Lech Wałęsa. Y fut négocié le nouvel enregistrement du NSZZ «Solidarność ». Y fut concerté un paquet de réformes politiques, parmi lesquelles le plus important - le droit à 1/3 de sièges à la Diète à l’issue des élections libres et les élections libres au Sénat restitué. Les candidats de l’opposition obtinrent la garantie de pouvoir mener une campagne électorale et de fonder un journal lié à «Solidarność » («Gazeta Wyborcza »).
Les élections au Parlement, en juin 1989, apportèrent aux communistes une défaite écrasante. Pour la première fois en Pologne d’après-guerre, la société fut autorisée à participer au pouvoir. Les candidats de «Solidarność » gagnèrent 160 sièges à la Diète (presque tous les mandats qu’ils avaient le droit d’avoir) et 99 sièges sur 100 au Sénat.
Ce résultat des élections signifiait en Pologne la fin du communisme — la création du premier gouvernement non communiste au sein du bloc soviétique, la levée de la censure, l’entrée sur la voie de la construction de la démocratie.

La fin de « Yalta »

En 1989, lorsque l’autorisation soviétique pour des changements très profonds, négociés à la Table Ronde polonaise, devint évidente, vint le tour de la Hongrie où le pouvoir et l’opposition se sont mis aussi à table de négociation. Les autres sociétés de l’Europe centrale et orientale : la RDA, la Tchécoslovaquie, les républiques baltes, dénonçaient à leur tour l’obéissance au pouvoir communiste...
Pendant «la révolution de velours » à Prague, l’historien Timothy Garton Ash dit à Vaclav Havel : « En Pologne cela dura 10 ans, en Hongrie 10 mois, en RDA 10 semaines, peut-être en Tchécoslovaquie cela ne prendra que 10 jours? ».
Entre août 1980 et novembre 1989, la plus grande révolution pacifique en Europe d’après-guerre eut lieu - entre la porte des Chantiers navals de Gdańsk et la Porte de Brandebourg à Berlin. Comme conséquence du processus initié par « Solidarność », «tomba » le mur de Berlin — symbole du partage de l’Europe après Yalta. La solidarité sociale est devenue force motrice des changements intervenus.
Les événements de l’Automne des Peuples de 1989 rappelaient très peu le «temps des négociations » en Pologne au tournant des années 1988/89, ils se referaient plutôt à l’explosion d’août 80, tous aussi (à l’exception de la Roumanie) – furent des révolutions pacifiques.
Le changement, qui s’effectua dans les années 80 et 90 au sein du bloc soviétique, confirma l’importance qu’avaient pour l’histoire de l’Europe les journées de cet Août 80 polonais. D’une part, elles ont freiné l’agressivité du système, et de l’autre – elles ont éveillé l’imagination sociale, renforcé le courage. Et bien que les divisions armées ne fussent présentes que d’un côté, deux forces se sont affrontées. Plus longue était l’attente d’une attaque, plus importante devenait l’attitude des masses sans défense.
L’Union soviétique s’effondra. De nouveaux Etats indépendants virent le jour : la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, l’Ukraine...
En octobre 1992, les dernières divisions de l’Armée soviétique qui stationnaient à Świnoujście quittèrent le territoire de la République de Pologne.
Mais le système soviétique survécut sous diverses formes dans une partie de l’ancien empire. La vague de liberté apparaissait cependant ici aussi, elle se soulevait même en Russie mais retombait. En Biélorussie, elle avéra d’une faiblesse exceptionnelle. Mais elle ne disparut nulle part.
La victoire de la révolution orange en Ukraine où la détermination de la foule qui rassembla de milliers de personnes dans les rues, soutenue solidairement par des personnes venues des autres pays, y compris le soutien fort et nombreux venu de Pologne, rappelait ce climat polonais de l’époque de solidarité de l’année 1980. C’est un succès de plus du refus collectif, pacifique – c’est la preuve que le désir de liberté ne se laissera pas étouffer dans aucune des sociétés.

Alicja Wancerz-Gluza (Centre KARTA)
Anonymous
Souricet
Invité


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