SAGESSE DU DESERT

Je vous propose quelques apophtegmes des Pères du Désert.

L'abbé Pambon demanda un jour à l'Abbé Antoine : "Que dois-je faire ?" Et l'Ancien répondit : "N'ayez confiance en votre vertu. Une fois qu'une chose a été faite, ne vous en inquiétez plus. Maîtrisez votre langue et votre ventre."

L'abbé Joseph de Thèbes disait : il y a trois sortes d'hommes qui trouvent grâce aux yeux de Dieu. D'abord ceux qui, lorsqu'ils sont malades et tentés, acceptent tout en remerciant Dieu. Puis ceux qui accomplissent leurs tâches avec pureté sous le regard du Seigneur sans chercher à plaire aux hommes. Enfin ceux qui obéissent à un père spirituel et renoncent à leur volonté popre.

J'approuve les deux premiers points. Le troisième, je le réserve aux moines et moniales ou aux laïques consacrés.

Un frère demanda à l'un des Anciens : "Que puis-je faire de bien pour avoir la vie éternelle ?" Il répondit : "Dieu seul sait ce qui est bien." Cependant, j'ai entendu dire que quelqu'un ayant posé cette question au Père Abbé Nisteros le Grand, ami de saint Antoine, il répondit : "Toutes les bonnes oeuvres ne sont pas semblables. Car l'écriture raconte qu'Abraham pratiquait l'hospitalité et que Dieu était avec lui ; qu'Elie aimait à prier seul, et que Dieu était avec lui ; que David était humble, et que Dieu était avec lui. Par conséquent, tout ce que votre âme désire accomplir, selon la volonté de dieu, faites-le, et elle sera sauvée."

L'un des Anciens disait : la pauvreté :broke: , les épreuves et la discrétion sont les trois caractéristiques de la vie érémitique. Car il est écrit : "Si nous avions seulement avec nous ces trois hommes : Noé, Job et Daniel." Or Noé représente ceux qui n'ont rien, Job ceux qui souffrent et Daniel ceux qui savent discerner le bien du mal. Si ces trois choses se trouvent chez un homme, Dieu demeure en lui.

L'Abbé Poemen disait : il y a deux choses qu'un moine devrait détester par-dessus tout, car, ce faisant, il peut devenir libre en ce monde. Un frère demanda : "Quelles sont ces choses ?" L'Ancien répondit ; "La vie facile et la vaine gloire."

On raconte qu'à l'heure même de sa mort, l'Abbé Pambon dit aux saints moines qui l'entouraient : "Depuis que je suis arrivé ici, dans ce désert, et que je me suis construit une cellule que j'ai habitée, je ne me souviens pas d'avoir mangé du pain que je n'aie gagné de mes propres mains, ni d'avoir prononcé une parole que j'aie à regretter. Et cependant je vais vers le Seigneur comme quelqu'un qui n'a même pas commencé à servir Dieu."

Un jour, plusieurs frères quittèrent le monastère pour rendre visite aux ermites qui vivaient dans le désert. Ils ne trouvèrent un qui les reçut avec joie et qui, voyant leur fatigue, les invita à manger avant l'heure habituelle et leur donna toute sa nourriture. Mais pendant la nuit, alors qu'ils auraient dû dormir, l'ermite entendit les cénobites se dire entre eux : "Ces ermites mangent davantage que nous autres moines."

Or, à l'aube, ils partirent voir un autre ermite, et, au moment de prendre congé, leur hôte leur dit : "Faites-lui mes amitiés et ce message : n'arrosez pas les légumes." En arrivant à destination, ils transmirent ce message. Et le second ermite comprit ce qu'il signifiait. Il pria les visiteurs de s'asseoir, leur fit tresser des paniers, et, s'installant au milieu d'eux, travailla lui-même sans interruption. Et, le soir, lorsque vint l'heure d'allumer la lampe, il ajouta quelques psaumes supplémentaires à ceux qu'il récitait d'habitude, puis il leur dit : "Nous ne mangeons pas tous les jours dans le désert, mais puisque vous êtes ici, il convient de dîner un peu, pour changer." Il leur donna alors du pain sec et du sel, en ajoutant : "Voilà un régal spécial, en votre honneur." Et faisant une petite sauce avec du vinaigre, de l'huile et du sel, il la leur distribua. Après le repas, ils se mirent à réciter des psaumes et des prières presque jusqu'à l'aurore ; l'ermite dit alors :"Allons, nous n'allons pas terminer nos oraisons habituelles, parce que votre voyage vous a fatigués. Reposez-vous un peu."

Dès la première heure du jour, ils exprimèrent tous les désir de quitter cet ermite, mais il refusa de les laisser partir, en disant : "Restez un peu avec moi. Je ne peux pas vous laisser partir si vite ; la charité exige que je vous garde deux ou trois jours."

Mais les moines, en entendant ces paroles, attendirent jusqu'à la nuit et s'enfuirent, sous couvert de l'obscurité.

J'aime beaucoup les Pères du désert, et cet apophtegme me plait toujours autant

Un Ancien disait : toute la vie du moine consiste à obéir, à méditer, à ne pas juger les autres, à ne pas se répandre en injures, ni se plaindre. Car il est écrit : vous qui aimez le Seigneur, détestez le mal. Voici donc ce que doit faire le moine : il ne doit pas être d'accord avec l'homme injuste, ni juger le mal comme fait celui-ci, ni se laisser aller à la curiosité, ni examiner ou écouter les affaires des autres. Il ne doit rien s'approprier, mais plutôt donner. Son cœur ne doit pas être fier, et il ne doit pas penser du mal de son prochain. Il doit éviter de remplir son estomac et se conduire en tout avec discrétion. C'est à toutes ces choses que vous reconnaîtrez le moine.