LA LOI

par Joss Jeu 17 Avr 2008 - 17:03

Or il advint, un sabbat, que Jésus traversait des moissons, et ses disciples arrachaient et mangeaient des épis en les froissant de leurs mains. Mais quelques Pharisiens dirent : « Pourquoi faites-vous ce qui n'est pas permis le jour du sabbat ? » Jésus leur répondit : « Vous n'avez donc pas lu ce que fit David, lorsqu'il eut faim, lui et ses compagnons, comment il entra dans la demeure de Dieu, prit les pains d'oblation, en mangea et en donna à ses compagnons, ces pains qu'il n'est permis de manger qu'aux seuls prêtres ? » Et il leur disait : « Le Fils de l'homme est maître du sabbat. » Or il advint, un autre sabbat, qu'il entra dans la synagogue, et il enseignait. Il y avait là un homme dont la main droite était sèche. Les scribes et les Pharisiens l'épiaient pour voir s'il allait guérir, le sabbat, afin de trouver à l'accuser. Mais lui connaissait leurs pensées. Il dit donc à l'homme qui avait la main sèche : « Lève-toi et tiens-toi debout au milieu. » Il se leva et se tint debout. Puis Jésus leur dit : « Je vous le demande : est-il permis, le sabbat, de faire le bien plutôt que de faire le mal, de sauver une vie plutôt que de la perdre ? » Promenant alors son regard sur eux tous, il lui dit : « Étends ta main. » L'autre le fit, et sa main fut remise en état. Mais eux furent remplis de rage, et ils se concertaient sur ce qu'ils pourraient bien faire à Jésus.

Au début de ce passage de l’Évangile, nous voyons un phénomène tout à fait naturel et sain, qui est celui de manger. Mais à cause du Sabbat, il est considéré comme mal de froisser des épis de ses mains pour manger. Combien de fois, dans notre vie, avons-nous commis des actions, des paroles, tout à fait banales et nous l’a-t-on reproché pour une question d’étiquette ou de règles ou de convenances? Sans vouloir contester celles-ci, néanmoins, saurions-nous les remettre à leur juste place?

Alors que les disciples ne font que se nourrir, on leur dit : « pourquoi faites-vous ce qui n’est pas permis le jour du Sabbat? » Au nom du sabbat, qu’auraient dû faire les disciples de Jésus? Supporter la faim? Peut-être se retrouver en fatigue en milieu de route avec des difficultés causées par cette faim et cette fatigue? Mais que répond Jésus : « Vous n'avez donc pas lu ce que fit David, lorsqu'il eut faim, lui et ses compagnons, comment il entra dans la demeure de Dieu, prit les pains d'oblation, en mangea et en donna à ses compagnons, ces pains qu'il n'est permis de manger qu'aux seuls prêtres ? » Cette référence n’est pas anodine. David et les siens se trouvaient en détresse et n’auraient pas pu terminer la route s’ils ne s’étaient pas permis de manger les pains réservés aux prêtres. Il ne s’agissait pas là d’un caprice, mais d’une justice « ajustée ». Sans ses pains « interdits », David et ses compagnons n’auraient pas pu accomplir les tâches difficiles qui étaient les leurs en vue de faire la volonté du Seigneur.

Que Jésus utilise ce passage pour démontrer que ce que lui et ses disciples font est juste, avait de quoi embêter les pharisiens. Surtout quand Jésus leur dit : « Vous n’avez pas lu! » Se pourrait-il, parfois, qu’au nom de la loi j’affame mon prochain ou m’affame moi-même, parce que je n’ai pas su lire la situation avec justesse? Serait-il possible que ma loi cause parfois la perte du plus faible, du plus fragile, du malade, de l’orphelin, de l’affamé, de l’assoiffé, du fautif, du prisonnier, de l’ignorant, de la veuve, du mourrant, du joueur compulsif? À qui profite ma loi? Jésus ajoute ensuite : « Le Fils de l’homme est maître du sabbat. » Il est maître du sabbat, mais il aurait pu dire qu’il est maître de toutes les autres lois. Mais de quel genre de maître s’agit-il? C’est à cette question que semble répondre la suite.

Un autre sabbat, Jésus enseigne dans une synagogue, où un homme a la main sèche. On peut facilement imaginer le genre de difficultés que peut avoir un tel estropier dans sa vie de tous les jours. Nous voyons que les scribes et les pharisiens l’épiaient pour voir s’il allait guérir un jour de sabbat, afin de le perdre. Comment, ce jour consacré à l’honneur du Seigneur et à son service, peut-il être le témoin d’un complot pour perdre un homme à cause d’un bien qu’il fait? Mais plus surprenant encore, pour ne pas dire révoltant, comment se fait-il que les scribes et pharisiens, ceux qui devraient savoir lire et comprendre la volonté du Seigneur, ont du temps et de l’énergie pour épier Jésus, pour comploter contre lui, pour inventer des pièges pour le perdre, mais ne semblent pas préoccupés par la situation de cet homme à la main sèche? Se pourrait-il parfois qu’au nom de la loi, je me laisse distraire des vrais problèmes pour asseoir ma domination? Se pourrait-il parfois que je fasse obstacle à ceux qui font peut-être mieux que moi en « désobéissant » dans une situation particulière au nom d’une loi que l’on doit appliquer à tout prix? Suis-je distrait par la loi au point de ne plus voir la difficulté qu’a peut-être mon prochain pour la respecter? Suis-je prêt, en tant que chrétien, à non pas condamner mon prochain qui peine à respecter la loi, pour quelques raisons, mais à le soutenir plutôt, de quelques façons, qu’il puisse désirer être au service de la vie, dans la liberté, lui aussi? Ou est-ce que je jette le fardeau d’une loi peut-être trop lourde pour lui sur ses seules épaules en le menaçant de quelques peines supplémentaires qui aggraveront sa situation s’il n’y arrive pas? Continuons de lire le texte.

Jésus dit à l’homme de se lever au milieu, donc à la vue de tous. Et là Jésus nous pose une question à chacun de nous : « est-il permis, le sabbat, de faire le bien plutôt que de faire le mal, de sauver une vie plutôt que de la perdre » ? Nous pourrions croire qu’il s’adresse aux pharisiens, mais en chacun de nous, à un temps ou un autre, se trouve une petite voix pharisienne en soi qui a besoin de conversion, moi autant que les autres. La question nous révèle quel genre de maître est Jésus et il nous demande de prendre position pour lui ou contre lui. Jésus est maître du sabbat, mais pendant le sabbat, est-il permis de sauver une vie plutôt que de la perdre? Avec ma loi, de quel maître suis-je le serviteur? Celui de la vie ou celui de la mort? Suis-je au service du bien, transgressant, dans l’urgence, ou un besoin particulier, la règle, ou suis-je au service du mal, à perdre tout un chacun qui n’entre pas dans les rangs, condamnant au nom de la loi? Je tiens à être clair, si Jésus n’est pas venu abolir la loi, je ne suis pas plus fin que lui, ça fait que je n’irai pas le faire non plus. Mais quelle est sa juste place, à la loi?

Le texte continue par Jésus qui promène son regard sur eux, ce qu’il fait, il le fait en pleine lumière, au vu et au su de tous, il ne se cache de personne, il n’épie personne, il n’a pas à cacher ses œuvres, il n’a pas à comploter, à ruser, à espionner, il ne perd pas son temps et ses énergies à appliquer quelques répressions que ce soit. Son œuvre est lumineuse et elle illumine ceux qui se laissent rejoindre.

Continuons. Jésus demande à l’homme à la main sèche d’étendre la main et sa main fût guérit, quand à eux, les scribes et les pharisiens, ils étaient remplis de rage. La rage, les pleurs et les grincements de dents, il me semble que nous avons un mot concept en français pour décrire cette réalité là. Il me semble aussi que Jésus en parle ailleurs de la rage. Mais ce sont des passages que nous n’étudierons pas ici. Toutefois, se pourrait-il parfois que ma loi me ferme à la grâce et m’enferme, ou enferme mon prochain? Est-ce possible que parfois le seul résultat de ma loi soit la rage, les pleurs et les grincements de dents? Sinon pour moi, peut-être pour mon prochain? Serait-ce possible que ma loi ne serve que la condamnation et la mort?

La loi que je m’applique et que je souhaite appliquer aux autres tient-elle compte des conséquences qui en découlent dans la pratique? Si je fais parti de ceux qui savent suivre la loi et qui ont la force de le faire, est-ce qu’à tout le moins je donne moi-même à manger du pain nécessaire au plus faible pour qu’il y arrive lui aussi? Qu’est-ce que je fais vraiment au nom de Dieu, jusqu’où en suis-je conscient? Avant d’appliquer une règle au nom de Dieu, est-ce que j’ai pris le temps au moins d’apprendre à le connaître ce Dieu? Si Dieu est mon maître et qu’Il aussi est le maître de la loi, et qu’Il est aussi le maître de la vie et du bien, est-ce que ma seule action juste, dans le fond, ne serait pas plutôt de libérer en esprit et en acte du mieux de mes possibilités? Au nom de Dieu, je peux vouloir la vie pour tous et regretter fortement tout ce qui va à l’encontre de ce désir, mais dès lors, si je veux la vie de tous, alors je soutiendrai ceux qui peinent à assumer ce que ça implique que de servir la vie, comme mon Seigneur, et je ne saurai condamner qui que ce soit, car ça signifierait une contresens inadmissible, ça signifierait être au service de la division et de la mort.

Pour conclure, je rappellerais ce passage de Saint Paul, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Avant de nous élever contre quelqu’un, souvenons-nous toujours que Dieu est pour Lui, autant que pour soi. S’il y a une loi, qu’elle soit dans son principe et dans sa réalité, au service de la vie, qu’elle soit pour nous et non contre nous. Ainsi, au nom de Dieu, nous n’aurons pas servi la mort en condamnant, mais la vie en libérant, en nourrissant ceux qui ont faim, en abreuvant ceux qui ont soif, en libérant les captifs, en soignant les malades, en visitant les prisonniers, en enseignant les ignorants, en aimant les mal aimés et je pourrais en ajouter pour encore longtemps.