MARTHE ET MARIE


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Mon nom est Anna Walewska

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Mon nom est Anna Walewska Empty Mon nom est Anna Walewska

Message par plume verte Ven 27 Fév 2009 - 7:16

Mon nom est Anna Walewska, je suis née en Pologne dans les derniers jours de la guerre. Je vais mourir française dans peu de temps, ainsi en a décidé mon cœur. Il est fatigué et je n’ai pas le courage de me laisser prendre en charge par les chirurgiens. Je vais mourir française et pourtant pendant mes trente-six première années de vie, j’ai lutté contre la langue française, contre la culture française.
Dans notre famille à Varsovie, on parlait français avant de parler polonais, du temps de mon Grand-père, les nurses étaient françaises, ainsi que les intendants et le vin. Mon oncle, le frère aîné de mon père était né pour succéder à son père. Le second fils, mon père par conséquent, devint un brillant universitaire. Il en était ainsi depuis plus de cent cinquante ans. Je ne parle pas de mes tantes, elles, comme toutes les femmes de notre milieu, elles devaient servir à nouer des alliances, à étendre le réseau familial. Hélas pour mon grand-père, le 1er septembre 1939 l'invasion des forces allemandes met fin à la seconde république de Pologne et déclenche la Seconde Guerre mondiale. La Wehrmacht atteint Varsovie en 7 jours, on appelle cela le « Blitzkrieg » À l'est, l'invasion soviétique du 17 septembre anéantit tout espoir de résistance. Le pays est rayé purement et simplement de la carte, pour la quatrième fois de son histoire, la Pologne est partagée. D’un côté l'Allemagne nazie, de l’autre l'Union Soviétique. Par la même occasion notre famille est ruinée, la culture française de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie s’effondre juste quelques mois avant que la France connaisse le même sort.
Je vous épargne les détails de la vie quotidienne à Varsovie pendant cette période, je ne les ai pas vécues. Les miens vivaient dans une vaste demeure au milieu d’un parc, protégé par un haut mur, loin des bruits de la ville, du monde. Ils le croyaient. La Wehrmacht n’envahit pas que la Pologne, elle envahit aussi notre parc, nos appartements. À cet affront mon grand-père ne survécut pas, il laissa à ses fils la charge de leur mère et de leurs quatre sœurs. Comment vivre dans un monde où l’on ne respecte pas le seuil de la maison d’un Walewski.
L’histoire de ma famille n’est pas celle que je veux ici raconter, cette introduction est pourtant nécessaire pour que vous compreniez mon rejet du français.
Je suis née dans une ville en ruine, dans une cave, par un hiver glacial et à ce moment-là mon père lisait, relisait, usait pour la millième fois ses livres de Hugo, Lamartine, Voltaire, Diderot, ou Montesquieu. Alors j’ai rêvé de l’Amérique, de la culture anglaise. Le français, c’était la langue de la défaite, de l’ancien monde, de la ruine, la culture qui n’a pas su nous préserver ni du Nazisme, ni ensuite du Communisme.
À Varsovie, mon enfance se résume par les mots faim, froid et peur. L’anglais fut mon Graal. À Varsovie pour avoir le droit de l’apprendre, il me fallait d’abord donner des gages de bonne communiste, j’appris donc le russe, pour accéder à la fac et devenir traductrice d’anglais. Simple ruse de ma part, pour obtenir un visa pour l’étranger et gagner la terre bénie promise par la radio Free Europe. J’avais 26 ans, et une très bonne notation au parti, quand je pris l’avion pour le siège des Nations Unies. Vous n’imaginez pas les montagnes de soumission, de duplicités, que cela représente. Un livre entier ne suffirait pas à vous raconter. Ensuite il ne suffit pas de poser les pieds à New York pour être libre en 1970, les services de sécurité de l’ambassade veillent sur nous pauvres petits interprètes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Comment faire confiance, la peur de la délation à l’époque rongeait chaque Polonais, tous nous connaissions des gens qui perdaient brusquement et sans explication, situation, logement. À New York, je n’avais ni contact, ni argent, quitter les services de l’ambassade, impossible, je n’avais rien à donner à la CIA en échange d’un statut de réfugié, juste en tête un film que j’avais vu à la cinémathèque. L’histoire d’un émigré qui fuyait le centre de rétention en prenant un train pour le fin fond de l’Amérique. Nous n’avions même pas le droit de sortir sans être accompagné en ville. Pour les rares courses que nous pouvions faire, le hasard nous amena dans un magasin qui donnait sur deux rues. La tentation fut trop grande, je devais repartir pour Varsovie à la fin de la semaine. Le couloir des salons d’essayage me permit de sortir sans être remarquée.
Seule dans la rue mon sang dans mes tempes tapait fort. Une seule idée en tête prendre le premier train, le plus vite possible, pour n’importe où, pour quitter la ville. Avec 5 Dollars en poche on ne va pas loin, bien plus loin cependant que la traversée de l’Atlantique dans un avion de l’Aeroflot.
Ici encore, il me faudrait un livre entier pour vous raconter mes dix ans en Amérique. Mon errance de serveuse clandestine de bar en bar, d’État en État, puis mon mariage. Vous croyez peut-être, parce que Jane Fonda avait brûlé son soutien-gorge, que la femme américaine était libre, ou parce qu’Angela Davis faisait la une de la presse. Fini croyez-vous les Marilyn Monroe et autres blondes platinée. C’est tout aussi faux que de croire au paradis du pays des travailleurs l’union soviétique de Kossyguine ou Brejnev.
On m’avait élevée femme en Pologne, j’ai vécu femme en Amérique au point de demander le divorce. Une amie m’invita en Angleterre, à Londres un libraire éditeur me proposa de faire des traductions. Pendant deux ans je vécus dans une chambre de 8 m² au cinquième étage d’un immeuble qui avait bien besoin de quelques gros travaux, à corriger les thèses ou master d’étudiants polonais vivant à Londres ou d’autres travaux de traduction. Quand en 1981 on m’offrit un billet pour le salon du livre de Paris, Paris l'unique objet de mon ressentiment, je frissonnais rien qu’à l’idée de poser les pieds en France. Non, je n’avais pas la nausée mais tout juste, et pourtant depuis 36 ans je n’étais que femme. À Paris, j’allais devenir moi-même tout simplement. Pas du jour au lendemain, petit à petit, un peu chaque jour, avec la reconnaissance de ce que je savais faire, avec l’estime des regards.
Vous les Françaises vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes françaises depuis toujours.
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Message par Fée Violine Ven 27 Fév 2009 - 9:16

Tiens ! Un nouveau pseudo !  Very Happy
Est-ce une histoire vraie, ou l'as-tu inventée ?
Je me suis permis de corriger quelques fautes, notamment pour le nom propre, on dit "un Walewski". Walewska est le féminin. En polonais et en russe les noms de familles changent de terminaison pour les hommes et pour les femmes.
La famille Walewski est noble, comme beaucoup de familles polonaises. J'ai cherché "Anna Walewska" et j'ai vu qu'il y a eu une personne de ce nom qui était la cousine d'Ewa Hanska, l'épouse de Balzac.


Dernière édition par Fée Violine le Ven 26 Juil 2013 - 18:23, édité 1 fois
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Message par plume verte Ven 27 Fév 2009 - 9:44

Tu as raison trop de lecteurs font des confusions, il faut que je fasse une petite mise au point. Depuis quatre ans que je raconte des histoires sur les forums, 99 % des histoires sont des fictions, même si j’utilise beaucoup de mon vécu ou de ce que me raconte des gens.
Aujourd’hui, « Anna Walewska », je ne suis pas femme, mais l’histoire raconte ce que j’ai appris auprès de femmes polonaises. En règle générale rien de totalement faux. L’an dernier, sur un autre forum, j’ai raconté pendant un mois l’histoire d’un émigré à la première personne. Là aussi des mails et MP pour m’apporter du soutien, même quand je disais, c’est du roman.
Un autre exemple, l’histoire de Daniel Bernard, l’homme qui a traversé le Sahara en Solex sans moteur. L’histoire est vraie, c'est-à-dire qu’un type a bien traversé ce désert en Solex, mais tout ce qui lui arrive dans cette épopée est de la fiction, à partir d’anecdotes que mon oncle me racontait, donc rien de faux, mais un assemblage.
J’aime depuis toujours écouter les gens, je garde en réserve ensuite, souvent longtemps. Hélas je n’ai aucun talent d’écrivain, dommage pour moi, (heureusement pour vous) ; Internet permet le style des brèves nouvelles, un page à lire chaque matin, pas trop pesant. Non ?
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Message par Fée Violine Ven 27 Fév 2009 - 11:56

Oui, j'aime bien, continue ! Very Happy
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